Nos écoles peuvent-elles s’adapter à la pandémie?


 Publié le 5 juillet 2020
NOS ÉCOLES PEUVENT-ELLES S’ADAPTER À LA PANDÉMIE?

Si l’on se fie au succès du retour en classe de ce printemps, la réponse est oui. Mais il n’y a pas que ça. Avec le plan de match pour la prochaine rentrée, nos écoles seront mieux outillées que jamais pour aider nos jeunes à réussir malgré la pandémie.

Dans les derniers mois, les Québécois de toutes les générations se sont rassemblés pour freiner la propagation du virus. Tous ensemble, nous avons fait des sacrifices énormes pour nous protéger les uns les autres. Nous avons une fois de plus démontré la résilience exceptionnelle de notre peuple.

Le Québec a été l’endroit en Amérique du Nord où les consignes de santé publique ont été le plus respectées. Ça ne nous a malheureusement pas épargné un échec dans nos résidences pour aînés, mais dans le reste de la population, le pire a été évité. Nous n’avons pas été témoins des horribles scènes d’hôpitaux et de morgues débordés, comme ailleurs dans le monde. Nous n’avons pas non plus dû faire face aux choix insupportables qu’aurait imposés une pénurie de respirateurs. Et dans l’ensemble, le bilan du Québec est beaucoup moins sombre que ce que certains laissent entendre.

Tous nos efforts ont payé, donc, mais ils ont aussi coûté. Dans toutes nos régions, des milliers de travailleurs se sont retrouvés sans emploi du jour au lendemain. Des milliers de familles se sont retrouvés en difficulté financière. Et des milliers d’enfants ont dû cesser d’aller à l’école.

Il serait trop facile de regarder de haut le malheur de nos jeunes

Ce serait une grave erreur. Les enfants sont la plus grande richesse d’un peuple. Et pour les plus vulnérables d’entre eux, quelques semaines de retard à l’école peuvent faire toute la différence.

Le succès du retour en classe de ce printemps a de quoi rendre optimiste. Mais nous ne devons pas oublier que le virus est toujours là. Nous ne sommes pas à l’abri d’une deuxième vague cet automne.

L’enjeu des prochains mois n’est donc pas seulement de vaincre le virus, mais aussi d’apprendre à vivre avec lui. D’apprendre à s’y adapter et à réussir malgré lui.

Dans nos écoles, nous avons tout ce qu’il faut pour y arriver.

La décision de prioriser nos enfants

Après coup, la décision de renvoyer les élèves du primaire à l’école ce printemps, en dehors de la région de Montréal, peut paraitre évidente. Mais il faut se rappeler que ça n’avait rien d’un choix facile. Au contraire, le choix facile, sur le coup, aurait été de se donner rendez-vous à l’automne.

Après des semaines de strict confinement, beaucoup de parents avaient peur pour leurs enfants. C’est compréhensible. Le reste du monde commençait à peine à sortir du confinement et le virus circulait encore. Mais les données montraient que la contagion avait été freinée en dehors de la région de Montréal et que le risque de renvoyer les enfants à l’école était faible.

Plusieurs voix dans l’espace public ont tout de même misé sur la peur pour militer contre la réouverture des classes. Mais heureusement, notre premier ministre a su en faire fi pour écouter la science et prendre la décision qui s’imposait. Une décision difficile, mais nécessaire. La décision de prioriser nos enfants.

En rouvrant seulement les écoles primaires en dehors de la région de Montréal, le Québec a agi prudemment, mais aussi avec une audace bien placée. Avec la Colombie-Britannique, le Québec est l’un des seuls endroits en Amérique du Nord qui a rouvert ses écoles.

Cette audace était surtout nécessaire pour les élèves en difficulté. Pour les jeunes avec des troubles d’apprentissage ou des problèmes familiaux. Pour eux, le risque de rester à la maison devenait plus grand que celui de retourner à l’école.

Le résultat a finalement donné raison au premier ministre Legault. Parions que si c’était à refaire, il ne serait plus l’un des seuls à prendre cette décision.

Le succès du retour en classe

La principale crainte de ceux qui s’opposaient au retour en classe, c’était le risque de contamination et de conséquences graves pour les plus jeunes. Cette crainte ne s’est finalement pas avérée.

Le nombre de cas confirmés chez les enfants qui sont retournés à l’école est demeuré très faible. Et lorsqu’il y a eu des cas, les consignes de la Santé publique et du ministre de l’Éducation ont permis aux équipes-écoles d’intervenir rapidement.

Notre système d’éducation, mené par le ministre Roberge, a dû s’adapter à vitesse grand V pour réaliser ce tour de force. Partout au Québec, des directions générales de centre de services scolaire, des directions d’écoles, des cadres scolaires, des enseignants, des membres du personnel de soutien et des parents ont mis la main à la pâte pour y arriver. Ils ont permis de réduire au minimum les risques de contamination tout en aidant les enfants à finir leur année le plus normalement possible. Quant aux élèves, ils se sont montrés très résilients face aux nouvelles consignes.

Bien sûr, tout n’a pas été parfait. Nous faisons face à des circonstances exceptionnelles et c’est normal de devoir s’ajuster en cours de route. Mais le plus important, c’est que le résultat pour nos enfants a valu les détours pour y arriver.

Ce beau succès québécois est d’abord celui des directions d’école, des enseignants et des parents qui ont travaillé ensemble pour nos enfants. Ils méritent tous un grand bravo.

Le plan de match pour la rentrée

Au-delà des bénéfices immédiats pour les enfants qui ont pu retourner à l’école, le succès du printemps aura permis de préparer le terrain pour l’automne. Grâce à l’expérience que notre réseau de l’éducation a acquise dans les derniers mois, nous serons mieux outillés pour la rentrée.

Cette fois, tous les élèves du Québec retourneront sur les bancs d’école, de la maternelle au secondaire, y compris dans la région de Montréal. Afin de réduire les risques de contagion, la Santé publique demande que les classes soient organisées en différents groupes-classes.

L’idée est de permettre plus de contacts humains entre les élèves, sans pour autant augmenter de façon importante les risques de contamination. Si un élève devait être infecté, il serait plus facile de contenir la propagation et d’éviter un large foyer de contagion.

Quant aux enseignants, ils doivent maintenir une distanciation de deux mètres avec les élèves. Les risques de contamination demeureront donc minimes pour eux.

Avant même la rentrée, il y aura aussi plusieurs efforts importants pour aider les enfants qui ont pris du retard durant le printemps. Partout au Québec, des dizaines de milliers de jeunes auront profité de cours d’été pour se préparer à l’année qui arrive. Et en début d’année scolaire, notre ministre de l’Éducation mettra en place un blitz pédagogique pour combler les retards qui auraient pu être occasionnés par la pandémie.

L’annonce de ce plan par le ministre Roberge a été largement applaudie par les directions d’école, les enseignants et les parents

Le milieu de l’éducation s’accorde pour dire qu’un bon équilibre est atteint entre la santé des élèves et leur réussite scolaire.

Mais bien sûr, le succès de ce plan est directement lié à notre bataille collective contre le virus. Si la contagion devait repartir de plus belle cet automne, nos écoles devraient encore s’adapter. Et pour ça aussi, la préparation est déjà commencée.

Se préparer à une deuxième vague

Nous avons toutes les raisons de craindre une deuxième vague de contagion à l’automne. Et nous avons donc toutes les raisons de continuer de nous protéger en conséquence. Si nous restons disciplinés, nous devrions éviter le pire.

Mais nous devons aussi nous préparer à vivre avec le virus, à nous y adapter. C’est vrai en santé, c’est vrai en économie, et c’est aussi vrai en éducation. Évidemment, personne ne souhaite voir une deuxième vague, mais nous devons être prêts à y faire face.

Nous avons un bon plan A pour nos enfants. Nous aurons aussi un bon plan B.

Parallèlement à la préparation pour la rentrée, les centres de service scolaire devront se doter d’un plan d’urgence détaillé. L’objectif, c’est d’être prêt à continuer d’enseigner à distance si ça devient nécessaire.

Pour y arriver, les écoles devront pouvoir distribuer massivement et rapidement du matériel informatique aux élèves. Il y aura des suivis serrés entre les enseignants, les élèves et les parents, et ce, dès le lendemain d’une éventuelle fermeture. Les enfants ne seront donc pas laissés à eux-mêmes et l’école demeurera obligatoire.

Même si nous nous y préparons, l’enseignement à distance représenterait évidemment un grand défi pour nos écoles. Mais tous nos efforts des derniers mois nous ont permis de réaliser d’importants progrès technologiques qui nous aideraient à y arriver. Ces progrès seront non seulement bénéfiques pour notre système d’éducation à court terme, mais aussi à long terme.

En ressortir grandi

L’épreuve collective que nous traversons changera profondément le monde dans lequel nous vivons. Des transformations importantes ont été réalisées en quelques semaines à peine et d’autres sont déjà en marche.

L’éducation n’échappe pas à cette réalité. Le confinement aura au moins eu ça de bon qu’il aura forcé nos écoles à apprendre à fonctionner à distance. Il nous aura forcés à accélérer le développement de l’enseignement en ligne.

En l’espace de quelques semaines, ce sont des années de retard en formation à distance qui ont été rattrapées. La plateforme « L’école ouverte » a permis à des milliers d’enfants québécois de continuer leur apprentissage à distance. Au total, on y a dénombré plus de 800 millions de visites, ce qui en a fait momentanément l’un des sites Web les plus consultés au Canada.

À ce jour, la plateforme compte plus de 1800 ressources pédagogiques répertoriées, dont plusieurs pour les élèves avec des besoins particuliers. Ces ressources seront un outil précieux si les enfants doivent recommencer l’école à distance cet automne. Et à plus long terme, une fois que la pandémie sera derrière nous, ce sera aussi un moyen de plus pour intéresser et motiver les élèves.

À cela s’ajoute une distribution massive de matériel informatique. Une somme de 150 millions de dollars permettra aux écoles de se procurer des tablettes et des ordinateurs portables. Ça représente des dizaines de milliers d’appareils qui pourront être prêtés aux élèves.

Encore là, les bénéfices se feront aussi sentir à long terme. Pandémie ou pas, le matériel informatique aidera les enseignants à bonifier leurs méthodes, que ce soit à distance ou en classe. Notre système d’éducation en ressortira donc grandi.

Le besoin pour plus de belles écoles

Il y a au moins un autre grand changement en éducation qui pourrait être accéléré par la crise que nous traversons : la construction de plus de belles écoles.

Quelques semaines avant l’arrivée du virus au Québec, en février, le ministre Roberge dévoilait sa vision pour la nouvelle génération d’écoles. Les images avaient de quoi faire rêver : de grands espaces ouverts, de grandes fenêtres, l’utilisation de bois et d’aluminium. Des écoles conçues pour favoriser l’apprentissage et le sentiment d’appartenance, et pour offrir aux enseignants un milieu de travail attrayant. Cette vision est prête à être réalisée et elle apparaît plus nécessaire que jamais.

Le besoin de construire plus d’écoles au Québec n’est pas nouveau. La pandémie et les consignes de distanciation le mettent toutefois en lumière.

Il est grand temps que le Québec se donne les belles écoles que ses enfants et leurs enseignants méritent. Et parce que ça permettrait aussi de relancer notre économie, il est grand temps de peser sur l’accélérateur pour les construire plus rapidement.

Notre ambition première : l’avenir de nos enfants

La construction de belles écoles était l’une des promesses phares de la Coalition avenir Québec aux élections de 2018. Et au-delà de ça, la réussite des enfants a toujours été au centre du projet de société mis de l’avant par le parti.

La crise que nous traversons nous pousse à revoir nos façons de faire, mais cette même motivation doit continuer de nous animer. Nous avons tout ce qu’il faut pour adapter nos écoles à la pandémie et en ressortir grandi. Nous pouvons et nous devons le faire. Il en va de l’avenir de notre nation.

« Notre grande ambition, c’est de donner à chacun de nos enfants les moyens d’aller au bout de son potentiel », disait François Legault dans son discours d’ouverture, à ses débuts comme premier ministre.

C’était vrai avant, c’est vrai pendant et ce le sera tout autant après la pandémie.

Covid-19 : doit-on craindre une deuxième vague?


 Publié le 28 juin 2020
COvid-19 : Doit-on craindre une deuxième vague?

La réponse est oui. Et c’est à nous de définir la vague que l’on aura. Pour tout dire, je crois qu’on aura la deuxième vague que l’on mérite. Plus on relâchera les consignes, plus elle sera forte et longue. Plus on respectera les consignes, plus elle sera faible et courte.

Alors la vraie question qu’on doit se poser, c’est bien plus quelle deuxième vague voulons-nous? Et la réponse à cette question va dépendre en grande partie de la façon dont on va vivre le déconfinement. De quel côté on va pencher. Du côté de ceux qui étaient déjà dehors lorsque le premier ministre, François Legault, a annoncé le déconfinement. Ou du côté de ceux qui ont préféré rester chez eux parce que le virus court toujours.

En fait, on fait face à deux types de comportements : ceux qui ont le déconfinement facile, et ceux qui ont toujours une peur bleue du virus.

Ce virus est si imprévisible qu’on a toutes les raisons d’en avoir peur

Et, en même temps, il a fait si peu de victimes – si on exclue les CHSLD – qu’on a l’impression que tout le monde est à l’abri hormis les plus vulnérables; c’est-à-dire les gens âgés, les personnes immunodéprimées et immunosupprimées ou les gens souffrant de maladies chroniques graves.

Ce qu’on a tendance à oublier, c’est que lors de la première vague, le Québec a réussi à éviter le débordement des hôpitaux. On n’a pas vu ici les scènes horribles qui se sont déroulées à New York, à Bergame ou dans la région parisienne. Si ça devait arriver ici, les décès pourraient se multiplier dans toute la population.

Mais avant de choisir entre le déconfinement facile et la peur bleue, il serait peut-être bon d’écouter ce que les experts ont à nous dire sur la question. C’est ce que j’ai fait et, mieux vaut se rendre à l’évidence, tous les experts sont du même avis : si on veut éviter un second confinement, mieux vaut continuer d’appliquer à la lettre les consignes sanitaires de base (garder deux mètres de distance, se laver les mains souvent et porter un masque dans les lieux publics).

Pour avoir une idée de l’ampleur de la deuxième vague potentielle, il suffit de se promener, d’aller faire son épicerie ou – mieux encore! – d’aller dans les quincailleries ou les centres de jardins.

Nous devons respecter les consignes

Du côté des marchands, il n’y a rien à redire. Ils respectent de manière exemplaire toutes les consignes qui leur ont été données par le gouvernement et la santé publique (marquage au sol des deux mètres de distance, port du masque ou de la visière de protection, file d’attente à deux mètres de distance pour passer à la caisse ou pour demander un conseil à un comptoir de service, etc.).

Du côté des clients, par contre, c’est une autre histoire. Autant il y a des gens hyper respectueux des consignes, autant il y en a qui ont l’air d’être revenus à la vie d’avant, dans une belle insouciance. Autant certaines personnes font leur épicerie avec vitesse et précision, autant il y en a qui prennent leur temps dans les allées, soupèsent les produits, tâtent leurs fruits et légumes, lisent tranquillement les étiquettes, comparent les ingrédients des marques nationales avec ceux des marques maison…

Le masque est efficace s’il est porté correctement

Même chose avec le port du masque. Le monde est divisé en deux : ceux qui sont pressés de revenir à la normale et ceux qui ont peur. D’un côté, il y a ceux qui portent le masque même quand ils sont seuls dans leur voiture. De l’autre, il y a ceux qui le portent sous le menton, dans leur cou ou tout simplement dans le coffre à gants de leur voiture.

Bref, pour revenir à la question de départ, il suffit de sortir pour réaliser que toutes les réponses sont bonnes et qu’il y aurait peut-être lieu d’avoir tous très peur… et qu’on devrait – surtout! – continuer d’écouter scrupuleusement les consignes que ne cessent de nous répéter François Legault et le docteur Arruda.

Alors qu’attendons-nous pour le faire? Surtout quand la seule chose à faire pour éviter le pire, c’est de se protéger et de protéger les autres. Tant et aussi longtemps qu’on n’aura pas de vaccin. La seule chose à faire, c’est de rester vigilants et de respecter les consignes.

Des dizaines de milliers de vies ont été sauvées lors de la première vague

Je sais, je sais, vous allez dire que vous en avez marre des foutues consignes, mais pour mieux vous aider à les apprécier, et à les appliquer encore, sachez que c’est le respect des consignes et du confinement qui ont permis de limiter grandement les dégâts durant la première vague.

En effet, une étude toute récente1 de l’Imperial College London, classée neuvième meilleure université au monde, montre clairement que le confinement a permis d’éviter la catastrophe en Europe et que les mesures appliquées, dans les 11 pays à l’étude, ont permis d’épargner la mort à quelque 3 millions de personnes entre le début mars et le début mai 2020.

Et selon une étude conjointe des experts de l’Institut national de santé publique du Québec et de l’Université Laval2, le nombre de décès aurait pu être de 10 fois supérieur au Québec si le gouvernement n’avait pas mis en place les mesures de confinement et de distanciation sociale. 10 fois plus!

Décès quotidiens dans la population

Le graphique ci-dessus montre que sans intervention, le nombre de décès au Québec aurait pu décupler. Les mesures de distanciation et de confinement rapidement mises en place au Québec pourraient avoir sauvé des dizaines de milliers de vies. Les décès en CHSLD sans hospitalisation ne sont pas inclus dans ces projections.

Et même si la situation s’améliore de semaine en semaine au Québec, il faut savoir qu’elle s’aggrave dans le monde selon l’OMS (Organisation mondiale de la Santé). Du 30 mai au 8 juin, il y a eu plus de 100 000 nouveaux cas en moyenne par jour dans le monde. C’est énorme.

Si le monde avait réagi plus tôt à l’alerte lancée à Wuhan par le docteur Li Wenliang3, à la fin décembre 2019, sûrement que des centaines de milliers d’autres vies auraient été sauvées.

Il faut continuer de se protéger

Alors, est-ce qu’on peut cesser d’être vigilants et avoir le déconfinement facile? La réponse, c’est non.

Il faut continuer de se protéger, de protéger les autres et de se serrer les coudes parce qu’on est tous dans le même bateau. Il faut continuer de faire front commun contre la pandémie. Et il faut continuer de savoir que la Covid-19 est un ennemi invisible, imprévisible et extrêmement sournois.

C’est notre volonté commune à battre le virus qui doit l’emporter. C’est cette volonté commune qui doit devenir virale.

On ne veut pas que la deuxième vague soit pire que la première, parce que si c’était le cas, tout le monde s’accorde pour dire que ce serait extrêmement difficile de s’en remettre. Encore plus difficile que maintenant.

Nos décisions personnelles ont un impact direct sur tous les Québécois

Alors que veut-on? Quelle deuxième vague voulons-nous? Il y a lieu d’y penser correctement, et collectivement. Parce que chaque décision personnelle aura un impact direct sur les conséquences que tout le monde devra subir.

Il y a eu assez de morts, assez de familles éplorées qui n’ont pas pu accompagner leurs proches dans leurs derniers moments. Il y a eu assez d’anges gardiens au bout du rouleau, de gens au bout de leurs sous ou au bout de leurs nerfs, d’entreprises au bout de leurs ressources. À la fin, c’est tout le monde qui paie la note.

Et si jamais vous étiez tentés de revenir au monde d’avant, sachez que le monde d’avant ne revient jamais. Autrement, on pourrait tous retourner aux années 2000 ou aux années 1970, dépendamment de notre âge.

Et si par ailleurs les années 1920 se sont appelées les années folles, peut-être que les années 2020 devraient s’appeler les années sages. Parce que ce sera toujours mieux que les années mortes.

J’aimerais bien vous dire que c’est à nous et à personne d’autre de choisir, mais je pense, en fait, qu’on n’a pas vraiment le choix. Car personne n’a les moyens – ni le goût! – de retourner en confinement et de perdre un de ses proches. En tout cas pas moi.

Je suis un fils (ma mère aura bientôt 88 ans), un père (d’enfants de 30, 33 et 38 ans), un grand-père (d’une fillette de 5 ans et, par alliance, de deux grandes petites-filles de 18 et 20 ans), un mari (d’une adorable retraitée) et j’ai le goût de pouvoir continuer à les chérir le plus longtemps possible.

Il ne faut pas lâcher

Alors mon choix est fait. Je vais continuer d’écouter les consignes du premier ministre, François Legault, et du directeur national de la santé publique, le docteur Arruda. Et je vais faire tout ce que je peux pour que la deuxième vague soit la plus petite et la plus courte possible.

Et vous, quelle deuxième vague voulez-vous?


1 Publiée le 8 juin 2020 dans le journal scientifique Nature.
2 Groupe de recherche en modélisation mathématique et en économie de la santé liée aux maladies infectieuses, dirigé par Marc Brisson.
3 Le docteur Li est mort en février 2020 de la Covid-19, à l’âge de 33 ans.

 

Quelle sera la place du Québec dans le nouveau monde?


 Publié le 21 juin 2020
Quelle sera la place du Québec dans le nouveau monde

La réponse courte, c’est que le Québec a tout ce qu’il faut pour se relever de l’épreuve que nous traversons et en ressortir plus fort dans le nouveau monde qui suivra. Parce que nous avons tout ce qu’il faut pour être plus autonome, parce que nous avons tout ce qu’il faut pour être des leaders et surtout, parce que c’est ce que nous sommes.

Le 3 février 2020 est un lundi de février comme les autres, au milieu d’un hiver québécois comme les autres. À Montréal, la température oscille autour de zéro, les trottoirs se couvrent de tristes flaques de gadoue et la dépression saisonnière est la seule épidémie qui se propage dans nos maisons.

Aux nouvelles, on entend la rumeur distante d’un virus venant de Chine. Rien de banal, mais rien d’exceptionnellement préoccupant non plus. L’équivalent d’une bonne grippe, nous dit-on alors. Ce qui occupe plutôt les médias d’ici, c’est la spectaculaire victoire des Chiefs de Kansas City au Superbowl, la veille. La victoire de notre nouveau héros national : Laurent Duvernay-Tardif.

Un peu plus loin dans les bulletins de nouvelles, suffisamment pour passer inaperçu, on évoque aussi le centenaire de nos Archives nationales. Pour l’occasion, le premier ministre Legault se rend à une cérémonie – un vrai rassemblement avec du vrai monde, oui oui! – pour commémorer l’institution gardienne de notre mémoire collective. Il vient y prononcer un discours et, surtout, y signer une lettre qui sera conservée dans une capsule temporelle pendant cent ans. Une lettre au Québec de 2120, donc.

Seul l’avenir, pour ceux qui y seront encore, nous dira ce que notre premier ministre a choisi d’y écrire. Mais on peut au moins être certain d’une chose : c’est que son message était porteur de la fierté et de l’audace que nous lui connaissons. De ce nationalisme qui traverse toute l’histoire de notre peuple.

Le souvenir de ce jour peut paraitre anodin, et surtout bien lointain, mais il devrait nous rappeler deux choses. D’abord, que nous ne vivons déjà plus dans le même monde qu’alors. Ensuite, que notre nation est l’héritière d’une riche histoire marquée par notre capacité à traverser les épreuves, que ce soit celle du temps, celle de la maladie, celle du froid, celle des guerres ou celle des crises économiques.

Si nous avions pu, au même moment, décacheter une lettre du premier ministre québécois d’il y cent ans, il nous parlerait d’un Québec bien différent du nôtre. Un Québec d’avant la Seconde Guerre mondiale et la Révolution tranquille, se relevant à peine d’une horrible guerre et d’une autre pandémie, espagnole, celle-là. Et pourtant, il nous décrirait aussi une identité, une culture et une langue commune qui sont encore bien vivantes.

Dans cent ans, on dira sans doute que le premier ministre Legault a écrit sa lettre à l’aube d’une des plus grandes épreuves collectives de notre époque. Mais on dira aussi qu’il était porteur de cette identité nationale qui animait nos ancêtres. Celle qui les a poussés à traverser l’Atlantique, à le retraverser pour combattre outre-mer, à se tenir debout face aux tentatives d’assimilation et à se rassembler pour tranquillement se donner un gouvernement à leur image. Cette même identité qui explique pourquoi nous ressortirons plus forts de cette épreuve-ci.

Nous avons tout ce qu’il faut pour être plus autonome

Que ce soit en économie, en santé, en éducation, en culture ou en environnement, la pandémie changera profondément certaines choses et en consolidera d’autres. Il est évidemment beaucoup trop tôt pour dire que la crise est derrière nous, mais nous pouvons déjà commencer à voir l’effet qu’elle aura une fois que ce sera le cas. Et nous avons tout à gagner à orienter dès maintenant le Québec vers les avenues les plus prometteuses.

Le retour des nations

Une crise de cette ampleur sert de remise en question de notre vie normale. Dans certains cas, la réponse sera la continuité, mais dans d’autres, ce sera le changement. L’une de ces réponses qui semblent déjà se dessiner, c’est qu’un besoin nouveau d’autonomie verra le jour dans la plupart des nations du monde, y compris le Québec. D’abord parce que les risques de santé publique de la mondialisation sont soudainement exposés. Mais aussi, et surtout, parce que dans un contexte de crise, un peuple doit pouvoir s’en remettre à ce qui l’enracine, à ce qui le rassemble : sa nation.

Il ne s’agit pas de prétendre que nous assistons à la fin de la mondialisation, mais plutôt à un certain ressac. À un certain retour des nations, après des décennies à les diluer de plus en plus dans des structures politiques et commerciales mondiales.

Au Québec, de nombreux secteurs de notre économie pourraient opérer ce virage autonomiste, à des degrés et à des coûts variables. L’alimentation et la production d’équipement médical sont ceux qui sont le plus souvent évoqués ces jours-ci, mais l’un des secteurs les plus promoteur, c’est celui de l’énergie.

Électrifier notre économie

Déjà, plusieurs mois avant la pandémie, le Québec s’est fait la promesse d’entreprendre un effort sans précédent pour électrifier son économie. Pour électrifier ses transports, ses entreprises et ses immeubles.

Le bénéfice est double : c’est à la fois un moyen de réduire nos émissions de gaz à effet de serre en consommant notre énergie propre, et de s’enrichir collectivement. Il suffit d’imaginer un monde où, plutôt que d’aller à la station-service pour faire le plein de pétrole importé, plutôt que d’envoyer notre argent dans les coffres des pétrolières, les Québécois pourraient rouler sur l’hydroélectricité produite chez nous et garder cet argent dans nos poches. Notre énergie propre pourrait même être stockée dans des batteries québécoises, grâce aux importantes réserves de lithium dans le Nord québécois.

Le pétrole, les camions et les voitures représentent une part importante de nos importations. Nous ne pouvons évidemment pas tout produire chez nous, mais en augmentant ne serait-ce qu’une petite partie de la production québécoise, nous nous retrouverions avec un Québec nettement plus autonome.

Nous avons plus de raisons que jamais de vouloir accélérer ce virage. L’électrification de notre économie, à commencer par les transports individuels et collectifs, ça a tout d’un grand chantier de relance post-pandémie.

Produits du Québec

Bien sûr, tous les secteurs de notre économie ne se prêteront pas aussi bien à un virage autonomiste. Dans le cas de l’énergie, nous avons la chance d’avoir des réserves immenses d’électricité propre et de métaux stratégiques.

Dans le cas des produits pharmaceutiques et de l’équipement médical, un effort important serait nécessaire pour se doter d’infrastructures de production, mais l’expertise est là. Nous avons des chercheurs de calibre mondial dans le domaine de la santé. Certains sont même à l’avant-garde de la bataille contre la COVID-19. Il n’y a qu’un pas entre cette expertise et une plus grande autonomie.

Dans le cas du secteur alimentaire, nous pouvons accroitre nos efforts pour soutenir nos agriculteurs et pour former la relève. Ce serait à la fois un moyen d’encourager l’achat local et de stimuler l’économie de nos régions.

De façon plus large, l’autonomie devrait servir de fil conducteur dans l’ensemble des secteurs de notre économie qui s’y prêtent. Pensons, par exemple, à la livraison de produits: pourquoi ne pas encourager des équivalents québécois à Amazon? Ou encore à la diffusion de notre culture: pourquoi ne pas soutenir des équivalents québécois à Netflix et Spotify?

L’autonomie économique, c’est à la fois un moyen de nous protéger contre une crise mondiale comme celle que nous traverserons, de nous enrichir collectivement et d’accroitre notre leadership dans de nombreux domaines.

Nous avons tout ce qu’il faut pour être des leaders

En misant sur le génie québécois et sur nos entreprises, nous avons l’occasion de cultiver notre expertise dans plusieurs domaines qui devraient être au centre de l’économie mondiale de demain.

Le Québec est un leader de l’intelligence artificielle

Grâce à nos universités de calibre mondial et à nos nombreuses entreprises émergentes, le Québec est déjà l’un des pôles mondiaux en intelligence artificielle. Nous avons l’une des plus importantes concentrations de chercheurs au monde en plus d’accueillir certains des plus grands joueurs de l’informatique.

L’intelligence artificielle était déjà pleine de promesses dans le monde d’avant. Avec l’informatisation de nombreuses industries en raison de la pandémie, cela n’ira pas en ralentissant. Le Québec a tout intérêt à continuer d’encourager ses chercheurs et ses entreprises pour consolider son statut de leader dans ce domaine.

En plus des potentiels d’emplois de qualité, d’investissements privés et d’exportations que cela représente, c’est aussi un outil qui pourrait nous aider à combler notre retard de productivité avec nos voisins, notamment l’Ontario. Notre expertise en intelligence artificielle pourrait nourrir l’automatisation de notre secteur manufacturier. La pandémie risque d’accélérer le virage vers la robotisation partout dans le monde afin de répondre aux besoins de distanciation physique. C’est le moment d’investir massivement pour orienter nos entreprises dans cette voie.

La culture, une voie d’avenir

Un autre domaine d’avenir pour le Québec, c’est celui du multimédia et du divertissement. Nous comptons là aussi sur une expertise déjà bien ancrée, notamment en jeux vidéo et en production cinématographique, mais nous pouvons encore faire mieux. Nous devons encourager plus d’étudiants à se diriger vers des études en cinéma ou en effets visuels pour créer un engouement similaire à celui de l’intelligence artificielle. Le Québec peut s’établir comme une plaque tournante du cinéma en Amérique du Nord.

L’industrie du film, autant dans sa production que sa distribution, risque d’être chamboulé dans les années à venir. C’est l’occasion de s’y repositionner avantageusement.

Encore là, notre leadership n’aurait pas seulement des répercussions positives sur notre présence à l’international, mais aussi chez nous. Non seulement cela pourrait créer des emplois de qualité, mais si on y ajoute d’importants investissements publics en culture, cela pourrait soutenir l’émergence d’une nouvelle génération d’artistes québécois de calibre mondial. La logique est simple : c’est bon pour notre économie, et c’est bon pour notre fierté collective.

Miser sur le transport électrique et la production d’hydrogène

Un troisième domaine d’avenir pour le Québec, c’est celui du transport électrique. En plus de nos réserves immenses d’hydroélectricité, nous disposons d’une des plus importantes réserves de lithium au monde; un ingrédient clé dans la fabrication de batteries pour les véhicules électriques. Si on l’additionne à notre expertise en intelligence artificielle, les véhicules verts et intelligents de demain pourraient être en bonne partie conçus au Québec. Nous avons toutes les cartes en mains pour concrétiser cette vision.

L’hydrogène pourrait aussi devenir un carburant de choix pour le transport lourd de marchandise. Avec son électricité propre et bon marché, le Québec pourrait devenir un important producteur d’hydrogène vert pour les camions qui sillonnent les quatre coins de l’Amérique du Nord.

Le Québec, leader dans le nouveau monde

Le leadership du Québec post-pandémie n’a toutefois pas à être seulement qu’économique. Il peut aussi être politique. Après la pandémie, nous pouvons entrevoir deux enjeux majeurs qui animeront la scène internationale.

D’abord, les changements climatiques. Sur ce front, le Québec a déjà tout d’un champion. Nous sommes l’endroit en Amérique du Nord qui émet le moins de GES par habitant. Nous avons un plan concret pour bâtir une économie à la fois plus verte et plus prospère. Et nous avons de l’énergie propre, abondante et bon marché à offrir à nos voisins pour les aider à atteindre leurs cibles environnementales. Déjà, nos voisins de New York et du Massachusetts sont en discussion pour importer du Québec d’immenses quantités d’énergie propre afin de réduire leurs émissions de GES.

Ensuite, avec l’apparition d’applications mobiles pour retracer les éclosions de coronavirus, l’enjeu du respect de la vie privée risque d’être au centre des débats politiques un peu partout dans le monde. En misant sur l’expertise de nos chercheurs en intelligence artificielle, nous pourrions contribuer à l’élaboration de technologies capables de protéger autant notre santé que nos droits.

Bien sûr, le Québec n’est pas le seul à disposer d’expertises et d’ambitions dans ces domaines. Mais nous ne devrions pas pour autant nous empêcher de voir grand. Ceux qui en doutent devraient se rappeler que l’audace coule dans nos veines. Nos ancêtres ont traversé l’Atlantique au péril de leurs vies pour fonder un Nouveau Monde. Nous avons maintenant tout ce qu’il faut pour reprendre leur flambeau et tirer notre épingle du jeu dans le monde nouveau qui se profile à l’horizon.

C’est ce que nous sommes

Plusieurs l’ont déjà affirmé un peu partout dans le monde : nous vivons un choc historique d’une amplitude comparable aux deux guerres mondiales ou à la dislocation de l’URSS au siècle précédent. Le genre d’événement qui, en quelques mois à peine, chamboule complètement notre conception de ce qui est possible et normal.

Comme ce fut le cas pour les guerres, ce point de bascule aura pour effet d’accélérer de grands changements économiques, sociaux et technologiques. Il ne fera pas surgir ces changements de lui-même, mais il les débloquera, il les provoquera, un peu comme le ferait un séisme avec l’énergie accumulée sous nos pieds. Le changement peut se tramer pendant des années, voir des décennies, mais c’est le séisme historique qui le fait éclater au grand jour. Et comme ce fut le cas avec les Années folles ou les Trente Glorieuses après les guerres, ce point de bascule pourrait très bien précéder un âge nouveau, voir un âge d’or.

La nation québécoise a tout ce qu’il faut pour tirer son épingle du jeu dans ce nouveau monde, autant chez nous que sur la scène internationale. Mais notre potentiel à ressortir plus fort de cette épreuve va bien au-delà de nos capacités économiques ou politiques. Il est aussi, et surtout, inscrit dans ce que nous sommes. Dans la résilience et la ténacité qui ont marqué l’histoire de notre peuple.

Le Québec a traversé plus de 400 hivers difficiles. Il a traversé des tentatives de répression et d’assimilation, des guerres et des crises économiques. Il a même traversé d’autres pandémies.

Et pourtant, nous nous tenons toujours debout, plus forts et plus fiers que jamais. Ce n’est certainement pas un virus, aussi vicieux soit-il, qui nous fera tomber.

Nous sommes entrés dans cette épreuve avec l’une des économies les plus vertes et prospères, l’une des sociétés les plus égalitaires et sécuritaires, l’une des démocraties les plus stables au monde et nous la traversons avec l’un des peuples les plus unis. Notre peuple a tout ce qu’il faut pour en ressortir plus fort dans le nouveau monde post-pandémie qui se dessine.

À nous de bâtir un Québec à la hauteur de ce que nous sommes.

 

Où étiez-vous le 12 mars 2020?


 Publié le 14 juin 2020
Où étiez-vous le 12 mars 2020

Où étiez-vous, le 12 mars, la première fois que le premier ministre a parlé de pandémie avec le docteur Arruda? Moi, j’étais à la brasserie, après mon match de hockey hebdomadaire. Les postes de télévision de la brasserie avaient troqué les chaînes sportives pour les chaînes de nouvelles en continu. On ne voyait que le premier ministre, accompagné de la ministre de la santé et de celui qui allait bientôt devenir la star du Québec : le bon docteur Arruda, le directeur national de la santé publique du Québec.

On prenait notre bière, tout en fêtant l’anniversaire d’un des boys et on mesurait mal l’ampleur de ce qui nous attendait. Et même si le virus venait d’entrer, ce jour-là, dans nos esprits, on affichait encore une belle insouciance pour un groupe dont la moyenne d’âge frise la soixantaine.

Quand j’ai repris la route (à Montréal) pour rentrer chez moi (en Mauricie), je me rappelle m’être dit que notre saison de hockey avait sans doute pris fin. Et curieusement, ce soir-là, j’ai senti que c’était la fin d’un monde connu, et le début d’un monde totalement inconnu.

Vous, où étiez-vous le mars? À quoi avez-vous songé, ce jour-là?

Le rendez-vous de 13 heures

Si on m’avait dit qu’un jour, le point de presse du premier ministre allait dépasser les cotes d’écoute de La Voix ou de District 31, j’aurais répondu que ce serait sans doute durant la semaine des quatre jeudis ou bien quand les poules auraient des dents.

Et pourtant, c’est la stricte vérité. Le point de presse quotidien de François Legault a maintenu une moyenne de 2 à 2,5 millions de téléspectateurs et un record de 2 735 000 auditeurs, le 7 avril.

Je faisais partie de ces gens. Et j’ai écouté, religieusement, tous les points de presse du trio Legault-McCann-Arruda. Tous les jours, sans exception.

Pourquoi? Parce que je voulais savoir. Tout savoir. Parce que le moment que l’on vivait était un moment exceptionnel, qui méritait une solidarité exceptionnelle.

Et le mot exceptionnel est sans doute le meilleur mot pour décrire le travail des trois vedettes du point de presse de 13 heures.

J’ai toujours pensé que François Legault ferait un bon premier ministre, pas seulement parce qu’il savait compter, mais parce qu’il était vrai et humain. Ses rendez-vous de 13 heures m’ont prouvé qu’il était meilleur encore – un véritable homme d’État -, et qu’il suivait ses dossiers comme rarement j’ai vu dans ma vie.

Et que dire de ses deux collègues, parfaits dans leur rôle respectif. Une Danielle McCann précise, à l’écoute et à la tâche. Et un docteur Arruda clair, sympathique, capable de rendre la science épidémiologique limpide.

Pas étonnant aussi qu’ils soient vite devenus les héros des médias sociaux. J’ai même vu plein de gens de la gauche intellectuelle encenser François Legault, alors qu’en octobre 2018, ces mêmes gens ne se gênaient pas pour le vilipender et espérer sa défaite. Comme quoi, des œillères, il s’en porte autant à gauche qu’à droite. Soudainement, tout le monde était content que le premier ministre soit un comptable, parce qu’un comptable, ça pose les bonnes questions et ça veut les bonnes réponses. Un comptable, ça demande toujours des précisions et ça ne se contente jamais d’à peu près.

Pour dire le fond de ma pensée, on devrait tous se féliciter que ce soit sous un gouvernement de François Legault que soit tombée la pandémie. Je ne vois pas qui aurait pu faire mieux que lui dans les circonstances.

Je pense que c’est dans les moments de crise qu’on reconnaît les grands hommes. Et François Legault fait partie de ceux-là.

Personne ne connaît quelqu’un qui l’a attrapé

Dès la fin mars, chaque fois que j’avais une conversation téléphonique avec quelqu’un, la même question revenait toujours sur le tapis : « Toi, connais-tu quelqu’un qui l’a attrapé? Moi, je ne connais personne. » La question me faisait sourire, car j’espérais, au fond, ne jamais connaître personne.

Alors je répondais : « Moi non plus »; pour passer le plus vite possible à un autre sujet, car je connaissais quelqu’un qui l’avait attrapée… moi.

Oui, j’ai eu la Covid-19.

C’est ma femme qui l’a d’abord attrapée et qui me l’a transmise, sans savoir qu’elle en était elle-même atteinte. Et je l’ai eue sans trop savoir que je l’avais. Je fais donc partie des chanceux, de ceux qui ont eu la version douce.

Le 12 mars, ma femme s’est fait vacciner contre le zona. Et c’est sans doute là qu’elle l’a attrapée. Deux jours après, son nez coulait, elle toussait un peu et avait mal partout. « Je pense que j’ai un rhume comme celui de l’an dernier. J’ai mal partout. » Et elle ressentait une grande fatigue, elle n’avait qu’une seule envie : dormir. Ce qu’elle faisait 10-12 heures par jour. Je lui disais : « Ça doit être des effets secondaires de ton vaccin contre le zona. » « Peut-être… », rétorquait-elle, sans plus.

Le 17 mars, mon nez s’est mis à couler, et je me suis mis aussi à sentir de la fatigue. Puis, chaque jour un peu plus, mais sans jamais m’empêcher de travailler. Là encore, je me trouvais chanceux : j’avais du travail.

Les jours ont passé jusqu’au moment, où le 22 ou 23 mars, ma femme me dit : « Ah oui, pis c’est bizarre, on dirait que je ne sens plus rien et que je ne goûte plus rien. » Je lui ai répondu qu’elle devrait peut-être appeler son médecin… », avant d’ajouter que, moi non plus, je ne sentais ni ne goûtait plus rien.

Le 24 mars, son médecin lui a annoncé que l’anosmie et l’agueusie faisaient maintenant partie des symptômes de la Covid-19 et qu’on devrait peut-être aller se faire tester.

Le 25 mars, on a passé le test de dépistage et, le 27, on était déclarés positifs.

Et le 3 avril, on nous déclarait guéris.

Rien d’autre à signaler.

Tout ce que j’ai eu, c’est une grande fatigue, la perte de goût (l’agueusie) et la perte d’odorat (l’anosmie). Pour le reste, rien. Pas d’essoufflement, pas de toux, pas de fièvre. J’ai été chanceux.
Surtout que je fais partie des groupes à risques, les 60 ans et plus.

Je comptais les morts à la télé et je me disais qu’on avait été très chanceux. Chanceux d’avoir presque rien eu,  d’être en parfaite santé et d’être immunisés. Et extrêmement chanceux que nos mères, respectivement de 87 et 90 ans n’aient rien eu et soient toujours pleines de vie.

Et chaque jour, mes pensées accompagnaient les moins chanceux, dont certains – quelle tristesse! – avaient perdu leurs deux parents durant la même semaine.

Pandémie de la COVID-19 : Peut-on comparer le Québec aux autres?


 Publié le 7 juin 2020
COVID-19 : DOES QUÉBEC COMPARE TO THE REST OF THE WORLD?

Il y a une réponse simple à cette question : oui. Oui, on peut comparer le bilan du Québec en matière de décès de la COVID-19, mais en utilisant les bonnes bases de comparaison.

Personne ne va nier que le Québec et en particulier la région de Montréal, soit l’endroit le plus durement frappé au Canada par la pandémie de la COVID-19. Les milliers de décès survenus dans les CHSLD nous le rappellent tristement. Mais pour prétendre que le Québec a un des pires bilans de la planète en matière de décès liés au coronavirus, il faut une bonne dose de mauvaise foi.

Cette façon de noircir le bilan du Québec est absurde à sa face même quand on a vu les images des hôpitaux débordés en Alsace, à Paris et les morts qui s’empilaient dans le nord de l’Italie ou à Madrid. Quand on a vu les camions frigorifiés alignés à New York pour recevoir les dépouilles qui sortaient par dizaines des hôpitaux. Quand on a vu des systèmes si débordés que les médecins devaient choisir s’ils allaient sauver la vie de telle personne ou de telle autre. Malgré le nombre important de décès en CHSLD, le Québec n’a jamais vécu de tels débordements.

En fait, ce sont les bases de comparaison boiteuses qui permettent de noircir ainsi la réalité. Examinons-les une à une.

Tous les morts ne sont pas comptés…

Les commentateurs utilisent des données souvent très partielles. C’est que chaque État a sa façon de qualifier la cause d’un décès. Certains ne comptent que les gens ayant été testés, d’autres seulement les décès dans les hôpitaux, excluant les décès survenus en CHSLD.

Selon les spécialistes, la seule méthode valable d’évaluer le nombre réel de décès liés à la pandémie, c’est d’examiner la surmortalité. Il s’agit de comparer le nombre de décès depuis le début de la pandémie à la moyenne des années passées pour la même période.

De grands médias réputés comme le New York Times, le Financial Times et The Economist ont consacré des dossiers à cette question des « excess deaths ». Des scandales ont éclaté dans plusieurs pays alors qu’on accusait les autorités de cacher des décès liés à la pandémie. Au Royaume-Uni, par exemple, il y avait une surmortalité de 55 000 décès au 8 mai. Pourtant, les autorités avaient déclaré 38 000 décès liés à la COVID-19. Il y a donc 17 000 « décès manquants ».

New York Times - Excess deaths

Comme on peut le voir dans ce tableau du New York Times, le 9 mai au New Jersey il y avait 5 500 décès de plus que le nombre de décès officiellement rapportés. C’est énorme! En Illinois et au Michigan, il y en avait 1 500.

Si on veut comparer de façon rigoureuse le bilan des décès d’un endroit à l’autre, que ce soit une ville, une région ou un pays, il faut le faire sur les mêmes bases, en utilisant les statistiques de surmortalité des endroits où elles sont disponibles. C’est ce que préconisent les épidémiologistes.

Procédant ainsi, le bilan comparé du Québec est beaucoup moins sombre.

Surmortalité en mars et avril 2020
Surmortalité liée à la COVID-19

Pas de décès dus à la COVID-19 cachés au Québec

Cette situation n’est pas unique aux États américains ou au Royaume-Uni. Selon les chiffres recueillis par les grands médias internationaux, le nombre de décès rapporté par les autorités est largement sous-estimé partout, sauf à quelques endroits, dont la Belgique et…le Québec!

Malheureusement, tous les États ne dévoilent pas leurs données de surmortalité. Nous n’avons aucune donnée pour l’Ontario, par exemple. Au Québec, l’Institut de la statistique a rendu publiques les données de surmortalité jusqu’au 25 avril. Résultat : le Québec a déclaré plus de décès liés au coronavirus qu’il y a eu de surmortalité. Contrairement à la majorité des endroits dans le monde, il n’y a pas de décès cachés au Québec.

Comparer le Québec à des États comparables

Comparer le Québec à un pays dans le cas de la pandémie de la COVID-19, ça comporte des limites importantes. Quand on compare le Québec à un pays comme la France, par exemple, on dilue le bilan des zones réellement touchées par la pandémie.

Pour effectuer une analyse plus juste, il faudrait comparer le Québec, qui est la province la plus touchée au Canada à une région française comme celle du Grand-Est, une des plus touchées en France. Et si nous voulons comparer le Québec à l’Italie, il nous faudrait le faire avec une province italienne frappée durement comme la Lombardie. Pour l’Espagne, on devrait regarder du côté d’une province comme celle de Madrid.

Ça donne bien sûr une image beaucoup moins sombre du bilan du Québec.

Décès déclarés par régions des pays européens
Régions de pays européens

Le bilan du Québec est bien meilleur que celui de ses voisins de la zone du nord-est

Comparer le bilan du Québec à celui des États-Unis est tout aussi douteux. Ce pays est très vaste, avec des zones urbaines densément peuplées et d’autres régions essentiellement rurales, avec une faible densité de population.

Si le Québec est constitué de zones très peu peuplées, il faut considérer qu’avec 4,1 millions d’habitants, la grande région de Montréal compte pour près de la moitié de sa population. En outre, comme on le verra plus loin, toute la zone Pacifique allant de la Colombie-Britannique jusqu’à Los Angeles a été relativement épargnée.

C’est avec les États américains de la même zone géographique comme New York, le Massachusetts, le New Jersey ou le Connecticut qu’on devrait se comparer. Ces États voisins ont comme le Québec des zones urbaines densément peuplées et des régions moins densément peuplées. Et ce qu’on observe, c’est que le virus de la COVID-19 a fait beaucoup plus de dégâts dans ces États voisins.

En fait, dans le corridor du nord-est avec des zones urbaines importantes comme Montréal, Boston, New York et Washington, c’est le Québec qui s’en est le mieux tiré. Et de loin.

Deces-COVID-19-Etats_Americains-Million-habitants
États américains de la zone nord-est

Les régions géographiques n’ont pas été frappées avec la même force

Au Canada, il est tentant de comparer les provinces entre elles et de conclure que l’une a fait ce qu’il fallait et l’autre a échoué. Et pourtant, les grandes régions géographiques en Amérique du Nord n’ont pas du tout été frappées avec la même force. Les États du nord-est avec le corridor des grandes zones urbaines de Montréal, Boston, New York et Washington ont été frappés de plein fouet. À l’autre bout du continent, les États de la côte Pacifique avec les grandes zones urbaines de Vancouver-Seattle, Portland, San Francisco et Los Angeles, ont été frappés beaucoup moins fort par la pandémie.

Au 31 mai, la côte Pacifique avait un taux de 101 décès par million, alors que le nord-est avait un taux presque 10 fois plus élevé à 938 décès par million. Qu’est-ce qui explique une disparité d’une telle ampleur?

On ne peut que faire des hypothèses à ce stade. L’une de celles-ci pointe vers la provenance de la contagion. Dans les États de la côte Pacifique, le virus provenait d’Asie, où la pandémie a été contenue rapidement. Tandis que pour la zone nord-est, le virus provenait d’Europe, où la pandémie n’a pas été contenue. Pour le Québec, on sait que la semaine de relâche et l’ouverture des frontières ont joué un rôle majeur.

Ces données démontrent deux choses :

  1. Qu’il est impossible que les États de la côte Pacifique aient tous été très bons pour contrôler le virus, tandis que les États du nord-est auraient tous été très mauvais ;
  2. Que parmi les États du nord-est, c’est le Québec qui a le bilan le moins sombre.

Décès COVID-19 par million d'habitants par zone géographique

Décès COVID-19 par million d'habitants par zone géographique
Décès selon la zone géographique

La région de Montréal et le reste du Québec

Quand on parle du bilan du Québec, il convient d’examiner la réalité vécue dans la région de Montréal et dans celle du reste du territoire.

L’endroit où la pandémie a frappé le plus fort, c’est certainement dans la grande région de Montréal, avec 1038 décès par million d’habitants au 31 mai. Tandis que tout le reste du Québec montre un bilan beaucoup moins sombre de 93 décès par million d’habitants.

On peut voir dans le tableau suivant que si la pandémie a frappé durement région de Montréal, ç’a été bien pire pour une ville comme New York. Tandis que les régions métropolitaines de Detroit et de Boston ont été frappées de façon comparable à celle de Montréal.

Ce que ces chiffres démontrent, c’est qu’il est difficile de comparer les grandes agglomérations urbaines et les zones moins densément peuplées. Avec cette pandémie, il y a plus de ressemblances entre les régions de Boston et de Montréal qu’entre cette dernière et les autres régions du Québec.

Décès COVID-19 par million d'habitants
Zones urbaines à haute densité vs zones à basse densité de population

Conclusion : le bilan du Québec ne figure pas parmi les pires de la planète

Il est facile de prétendre que le Québec aurait un des pires bilans de la planète en matière de décès. Il suffit de choisir les comparaisons qui vont le faire mal paraître.

Mais lorsque l’on compare le Québec aux provinces des pays les plus touchés d’Europe, on s’aperçoit rapidement que notre bilan est beaucoup moins sombre. Lorsqu’on se mesure avec les États de la même zone géographique du nord-est, on s’aperçoit là encore que c’est le bilan du Québec qui est le moins lourd en décès. Et si pour analyser le vrai portrait des décès on utilise la méthode de la surmortalité, celle qui est préconisée par les épidémiologistes, on découvre que le Québec figure parmi les rares endroits au monde où il n’y a aucun décès COVID manquant. Finalement, si la pandémie a touché durement la région de Montréal, il en va tout autrement du reste du Québec, qui montre un bilan enviable.

La pandémie de la COVID-19 a provoqué beaucoup de décès au Québec.

Personne ne doit nier les dommages causés dans de nombreux CHSLD. Mais noircir le bilan du Québec jusqu’à en faire un des pires de la planète est insultant pour la population québécoise. Comme l’ont démontré les experts de la santé publique, en se confinant massivement, les Québécois ont sauvé des milliers de vies. Dans une projection, ils ont montré que sans leurs efforts de confinement, il y aurait eu jusqu’à 10 fois plus de décès par jour en avril et mai.

Il faudrait peut-être leur dire bravo!