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Quelle sera la place du Québec dans le nouveau monde?


 Publié le 21 juin 2020
 
Quelle sera la place du Québec dans le nouveau monde

La réponse courte, c’est que le Québec a tout ce qu’il faut pour se relever de l’épreuve que nous traversons et en ressortir plus fort dans le nouveau monde qui suivra. Parce que nous avons tout ce qu’il faut pour être plus autonome, parce que nous avons tout ce qu’il faut pour être des leaders et surtout, parce que c’est ce que nous sommes.

Le 3 février 2020 est un lundi de février comme les autres, au milieu d’un hiver québécois comme les autres. À Montréal, la température oscille autour de zéro, les trottoirs se couvrent de tristes flaques de gadoue et la dépression saisonnière est la seule épidémie qui se propage dans nos maisons.

Aux nouvelles, on entend la rumeur distante d’un virus venant de Chine. Rien de banal, mais rien d’exceptionnellement préoccupant non plus. L’équivalent d’une bonne grippe, nous dit-on alors. Ce qui occupe plutôt les médias d’ici, c’est la spectaculaire victoire des Chiefs de Kansas City au Superbowl, la veille. La victoire de notre nouveau héros national : Laurent Duvernay-Tardif.

Un peu plus loin dans les bulletins de nouvelles, suffisamment pour passer inaperçu, on évoque aussi le centenaire de nos Archives nationales. Pour l’occasion, le premier ministre Legault se rend à une cérémonie – un vrai rassemblement avec du vrai monde, oui oui! – pour commémorer l’institution gardienne de notre mémoire collective. Il vient y prononcer un discours et, surtout, y signer une lettre qui sera conservée dans une capsule temporelle pendant cent ans. Une lettre au Québec de 2120, donc.

Seul l’avenir, pour ceux qui y seront encore, nous dira ce que notre premier ministre a choisi d’y écrire. Mais on peut au moins être certain d’une chose : c’est que son message était porteur de la fierté et de l’audace que nous lui connaissons. De ce nationalisme qui traverse toute l’histoire de notre peuple.

Le souvenir de ce jour peut paraitre anodin, et surtout bien lointain, mais il devrait nous rappeler deux choses. D’abord, que nous ne vivons déjà plus dans le même monde qu’alors. Ensuite, que notre nation est l’héritière d’une riche histoire marquée par notre capacité à traverser les épreuves, que ce soit celle du temps, celle de la maladie, celle du froid, celle des guerres ou celle des crises économiques.

Si nous avions pu, au même moment, décacheter une lettre du premier ministre québécois d’il y cent ans, il nous parlerait d’un Québec bien différent du nôtre. Un Québec d’avant la Seconde Guerre mondiale et la Révolution tranquille, se relevant à peine d’une horrible guerre et d’une autre pandémie, espagnole, celle-là. Et pourtant, il nous décrirait aussi une identité, une culture et une langue commune qui sont encore bien vivantes.

Dans cent ans, on dira sans doute que le premier ministre Legault a écrit sa lettre à l’aube d’une des plus grandes épreuves collectives de notre époque. Mais on dira aussi qu’il était porteur de cette identité nationale qui animait nos ancêtres. Celle qui les a poussés à traverser l’Atlantique, à le retraverser pour combattre outre-mer, à se tenir debout face aux tentatives d’assimilation et à se rassembler pour tranquillement se donner un gouvernement à leur image. Cette même identité qui explique pourquoi nous ressortirons plus forts de cette épreuve-ci.

Nous avons tout ce qu’il faut pour être plus autonome

Que ce soit en économie, en santé, en éducation, en culture ou en environnement, la pandémie changera profondément certaines choses et en consolidera d’autres. Il est évidemment beaucoup trop tôt pour dire que la crise est derrière nous, mais nous pouvons déjà commencer à voir l’effet qu’elle aura une fois que ce sera le cas. Et nous avons tout à gagner à orienter dès maintenant le Québec vers les avenues les plus prometteuses.

Le retour des nations

Une crise de cette ampleur sert de remise en question de notre vie normale. Dans certains cas, la réponse sera la continuité, mais dans d’autres, ce sera le changement. L’une de ces réponses qui semblent déjà se dessiner, c’est qu’un besoin nouveau d’autonomie verra le jour dans la plupart des nations du monde, y compris le Québec. D’abord parce que les risques de santé publique de la mondialisation sont soudainement exposés. Mais aussi, et surtout, parce que dans un contexte de crise, un peuple doit pouvoir s’en remettre à ce qui l’enracine, à ce qui le rassemble : sa nation.

Il ne s’agit pas de prétendre que nous assistons à la fin de la mondialisation, mais plutôt à un certain ressac. À un certain retour des nations, après des décennies à les diluer de plus en plus dans des structures politiques et commerciales mondiales.

Au Québec, de nombreux secteurs de notre économie pourraient opérer ce virage autonomiste, à des degrés et à des coûts variables. L’alimentation et la production d’équipement médical sont ceux qui sont le plus souvent évoqués ces jours-ci, mais l’un des secteurs les plus promoteur, c’est celui de l’énergie.

Électrifier notre économie

Déjà, plusieurs mois avant la pandémie, le Québec s’est fait la promesse d’entreprendre un effort sans précédent pour électrifier son économie. Pour électrifier ses transports, ses entreprises et ses immeubles.

Le bénéfice est double : c’est à la fois un moyen de réduire nos émissions de gaz à effet de serre en consommant notre énergie propre, et de s’enrichir collectivement. Il suffit d’imaginer un monde où, plutôt que d’aller à la station-service pour faire le plein de pétrole importé, plutôt que d’envoyer notre argent dans les coffres des pétrolières, les Québécois pourraient rouler sur l’hydroélectricité produite chez nous et garder cet argent dans nos poches. Notre énergie propre pourrait même être stockée dans des batteries québécoises, grâce aux importantes réserves de lithium dans le Nord québécois.

Le pétrole, les camions et les voitures représentent une part importante de nos importations. Nous ne pouvons évidemment pas tout produire chez nous, mais en augmentant ne serait-ce qu’une petite partie de la production québécoise, nous nous retrouverions avec un Québec nettement plus autonome.

Nous avons plus de raisons que jamais de vouloir accélérer ce virage. L’électrification de notre économie, à commencer par les transports individuels et collectifs, ça a tout d’un grand chantier de relance post-pandémie.

Produits du Québec

Bien sûr, tous les secteurs de notre économie ne se prêteront pas aussi bien à un virage autonomiste. Dans le cas de l’énergie, nous avons la chance d’avoir des réserves immenses d’électricité propre et de métaux stratégiques.

Dans le cas des produits pharmaceutiques et de l’équipement médical, un effort important serait nécessaire pour se doter d’infrastructures de production, mais l’expertise est là. Nous avons des chercheurs de calibre mondial dans le domaine de la santé. Certains sont même à l’avant-garde de la bataille contre la COVID-19. Il n’y a qu’un pas entre cette expertise et une plus grande autonomie.

Dans le cas du secteur alimentaire, nous pouvons accroitre nos efforts pour soutenir nos agriculteurs et pour former la relève. Ce serait à la fois un moyen d’encourager l’achat local et de stimuler l’économie de nos régions.

De façon plus large, l’autonomie devrait servir de fil conducteur dans l’ensemble des secteurs de notre économie qui s’y prêtent. Pensons, par exemple, à la livraison de produits: pourquoi ne pas encourager des équivalents québécois à Amazon? Ou encore à la diffusion de notre culture: pourquoi ne pas soutenir des équivalents québécois à Netflix et Spotify?

L’autonomie économique, c’est à la fois un moyen de nous protéger contre une crise mondiale comme celle que nous traverserons, de nous enrichir collectivement et d’accroitre notre leadership dans de nombreux domaines.

Nous avons tout ce qu’il faut pour être des leaders

En misant sur le génie québécois et sur nos entreprises, nous avons l’occasion de cultiver notre expertise dans plusieurs domaines qui devraient être au centre de l’économie mondiale de demain.

Le Québec est un leader de l’intelligence artificielle

Grâce à nos universités de calibre mondial et à nos nombreuses entreprises émergentes, le Québec est déjà l’un des pôles mondiaux en intelligence artificielle. Nous avons l’une des plus importantes concentrations de chercheurs au monde en plus d’accueillir certains des plus grands joueurs de l’informatique.

L’intelligence artificielle était déjà pleine de promesses dans le monde d’avant. Avec l’informatisation de nombreuses industries en raison de la pandémie, cela n’ira pas en ralentissant. Le Québec a tout intérêt à continuer d’encourager ses chercheurs et ses entreprises pour consolider son statut de leader dans ce domaine.

En plus des potentiels d’emplois de qualité, d’investissements privés et d’exportations que cela représente, c’est aussi un outil qui pourrait nous aider à combler notre retard de productivité avec nos voisins, notamment l’Ontario. Notre expertise en intelligence artificielle pourrait nourrir l’automatisation de notre secteur manufacturier. La pandémie risque d’accélérer le virage vers la robotisation partout dans le monde afin de répondre aux besoins de distanciation physique. C’est le moment d’investir massivement pour orienter nos entreprises dans cette voie.

La culture, une voie d’avenir

Un autre domaine d’avenir pour le Québec, c’est celui du multimédia et du divertissement. Nous comptons là aussi sur une expertise déjà bien ancrée, notamment en jeux vidéo et en production cinématographique, mais nous pouvons encore faire mieux. Nous devons encourager plus d’étudiants à se diriger vers des études en cinéma ou en effets visuels pour créer un engouement similaire à celui de l’intelligence artificielle. Le Québec peut s’établir comme une plaque tournante du cinéma en Amérique du Nord.

L’industrie du film, autant dans sa production que sa distribution, risque d’être chamboulé dans les années à venir. C’est l’occasion de s’y repositionner avantageusement.

Encore là, notre leadership n’aurait pas seulement des répercussions positives sur notre présence à l’international, mais aussi chez nous. Non seulement cela pourrait créer des emplois de qualité, mais si on y ajoute d’importants investissements publics en culture, cela pourrait soutenir l’émergence d’une nouvelle génération d’artistes québécois de calibre mondial. La logique est simple : c’est bon pour notre économie, et c’est bon pour notre fierté collective.

Miser sur le transport électrique et la production d’hydrogène

Un troisième domaine d’avenir pour le Québec, c’est celui du transport électrique. En plus de nos réserves immenses d’hydroélectricité, nous disposons d’une des plus importantes réserves de lithium au monde; un ingrédient clé dans la fabrication de batteries pour les véhicules électriques. Si on l’additionne à notre expertise en intelligence artificielle, les véhicules verts et intelligents de demain pourraient être en bonne partie conçus au Québec. Nous avons toutes les cartes en mains pour concrétiser cette vision.

L’hydrogène pourrait aussi devenir un carburant de choix pour le transport lourd de marchandise. Avec son électricité propre et bon marché, le Québec pourrait devenir un important producteur d’hydrogène vert pour les camions qui sillonnent les quatre coins de l’Amérique du Nord.

Le Québec, leader dans le nouveau monde

Le leadership du Québec post-pandémie n’a toutefois pas à être seulement qu’économique. Il peut aussi être politique. Après la pandémie, nous pouvons entrevoir deux enjeux majeurs qui animeront la scène internationale.

D’abord, les changements climatiques. Sur ce front, le Québec a déjà tout d’un champion. Nous sommes l’endroit en Amérique du Nord qui émet le moins de GES par habitant. Nous avons un plan concret pour bâtir une économie à la fois plus verte et plus prospère. Et nous avons de l’énergie propre, abondante et bon marché à offrir à nos voisins pour les aider à atteindre leurs cibles environnementales. Déjà, nos voisins de New York et du Massachusetts sont en discussion pour importer du Québec d’immenses quantités d’énergie propre afin de réduire leurs émissions de GES.

Ensuite, avec l’apparition d’applications mobiles pour retracer les éclosions de coronavirus, l’enjeu du respect de la vie privée risque d’être au centre des débats politiques un peu partout dans le monde. En misant sur l’expertise de nos chercheurs en intelligence artificielle, nous pourrions contribuer à l’élaboration de technologies capables de protéger autant notre santé que nos droits.

Bien sûr, le Québec n’est pas le seul à disposer d’expertises et d’ambitions dans ces domaines. Mais nous ne devrions pas pour autant nous empêcher de voir grand. Ceux qui en doutent devraient se rappeler que l’audace coule dans nos veines. Nos ancêtres ont traversé l’Atlantique au péril de leurs vies pour fonder un Nouveau Monde. Nous avons maintenant tout ce qu’il faut pour reprendre leur flambeau et tirer notre épingle du jeu dans le monde nouveau qui se profile à l’horizon.

C’est ce que nous sommes

Plusieurs l’ont déjà affirmé un peu partout dans le monde : nous vivons un choc historique d’une amplitude comparable aux deux guerres mondiales ou à la dislocation de l’URSS au siècle précédent. Le genre d’événement qui, en quelques mois à peine, chamboule complètement notre conception de ce qui est possible et normal.

Comme ce fut le cas pour les guerres, ce point de bascule aura pour effet d’accélérer de grands changements économiques, sociaux et technologiques. Il ne fera pas surgir ces changements de lui-même, mais il les débloquera, il les provoquera, un peu comme le ferait un séisme avec l’énergie accumulée sous nos pieds. Le changement peut se tramer pendant des années, voir des décennies, mais c’est le séisme historique qui le fait éclater au grand jour. Et comme ce fut le cas avec les Années folles ou les Trente Glorieuses après les guerres, ce point de bascule pourrait très bien précéder un âge nouveau, voir un âge d’or.

La nation québécoise a tout ce qu’il faut pour tirer son épingle du jeu dans ce nouveau monde, autant chez nous que sur la scène internationale. Mais notre potentiel à ressortir plus fort de cette épreuve va bien au-delà de nos capacités économiques ou politiques. Il est aussi, et surtout, inscrit dans ce que nous sommes. Dans la résilience et la ténacité qui ont marqué l’histoire de notre peuple.

Le Québec a traversé plus de 400 hivers difficiles. Il a traversé des tentatives de répression et d’assimilation, des guerres et des crises économiques. Il a même traversé d’autres pandémies.

Et pourtant, nous nous tenons toujours debout, plus forts et plus fiers que jamais. Ce n’est certainement pas un virus, aussi vicieux soit-il, qui nous fera tomber.

Nous sommes entrés dans cette épreuve avec l’une des économies les plus vertes et prospères, l’une des sociétés les plus égalitaires et sécuritaires, l’une des démocraties les plus stables au monde et nous la traversons avec l’un des peuples les plus unis. Notre peuple a tout ce qu’il faut pour en ressortir plus fort dans le nouveau monde post-pandémie qui se dessine.

À nous de bâtir un Québec à la hauteur de ce que nous sommes.

 

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