Va-t-on devoir refermer le Québec?


 Publié le 11 septembre 2020

Juste de poser la question, ça donne un coup de déprime. On va se le dire, le printemps n’a vraiment pas été facile. Il n’y a personne qui veut revivre ça.

Mais ce n’est pas parce qu’on ne l’aime pas, ou même qu’on le déteste, que le virus va disparaitre comme par magie. Le déni, malheureusement, ça ne fonctionne pas. Le virus rôde toujours. Et si on n’agit pas en conséquence, on va encore en subir les conséquences collectivement.

Est-ce que ça veut dire qu’on va potentiellement devoir refermer le Québec au complet cet automne, donc? La réponse courte est non, mais il y a des nuances. En fait, il y a deux réponses possibles.

C’est à nous de choisir laquelle on veut.

D’un côté, si tout le monde respecte assidument les consignes de santé publique, si on retrouve notre belle cohésion du printemps dernier, on va continuer dans la voie du déconfinement prudent. Dans un monde idéal, c’est ce qu’on ferait. Ça veut dire moins de gens malades et une économie qui repart plus rapidement.

D’un autre côté, personne n’est parfait. On ne peut pas demander à tout le monde d’être des élèves modèles de la santé publique. Que celui qui n’a jamais pris une pause de la distanciation lance la première pierre. C’est normal. On est humain, et la perfection n’est pas humaine.

Et qu’est-ce que ça veut dire, vivre dans ce monde imparfait? Ça veut dire qu’on va fort probablement revoir des éclosions dans certaines régions et dans certains secteurs de notre économie cet automne. Si on ne fait pas attention, ces éclosions pourraient rapidement se transformer en feu de brousse et nous forcer à refermer des parties de notre économie. Mais si on fait attention, on va réussir à contrôler la contagion, à éteindre les petits feux à mesure et à éviter le pire.

Une situation fragile

Au Québec, on a appris à connaitre la COVID-19 à la dure durant le printemps. Au plus fort de la pandémie, nos chiffres n’étaient vraiment pas jojo. De là à dire qu’on était un des pires endroits au monde, ce serait déformer les statistiques, mais quand même. On n’a pas été épargné par le virus, disons.

Heureusement, les choses ont changé. On a réussi à reprendre le contrôle de la situation dans nos résidences pour aînés. Et pendant l’été, le nombre de nouveaux cas quotidiens est redescendu au plancher. Ça, c’est le résultat de tous nos efforts pour aplatir la première vague. Ce n’est pas arrivé comme par magie.

COVID-19 : Cas déclarés

La bonne nouvelle, c’est que nos résultats économiques ont été tout aussi encourageants. On a déjà récupéré une bonne partie des emplois perdus avant le confinement. Et tout indique que l’économie repart avec plus de force au Québec qu’ailleurs au Canada. Tant qu’on réussit à maîtriser la propagation du virus, notre économie va continuer de se relever.

Sauf que l’été a tranquillement commencé à laisser sa place à l’automne, et avec lui, le nombre de nouveaux cas a recommencé à monter. La situation n’est pas dramatique, mais il y a une tendance claire à la hausse dans plusieurs régions du Québec depuis quelques semaines. C’est un rappel qu’on n’est pas à l’abri d’un retour en force du virus.

Si la fin de la première vague était le résultat de notre discipline, la nouvelle tendance à la hausse est le résultat de notre relâchement. C’est le résultat des soupers de famille et des soirées entre amis cet été. Le résultat, aussi, de l’envie irrépressible qu’avaient certains de chanter Dancing Queen en se collant dans un bar karaoké. Bref, c’est un mélange de plusieurs petits gestes insouciants, et de quelques gestes carrément irresponsables.

Évolution des cas

Source : INPSQ

Quand on se compare…

On n’est pas les premiers dans le monde à vivre ce genre de hausse. Il y a plusieurs pays qui ont réussi à surmonter la première vague, comme au Québec, mais qui se retrouvent maintenant aux prises avec une deuxième vague.

Prenons le cas de la France. Nos cousins ont été parmi les plus durement touchés en Europe au printemps. Durant l’été, le nombre de cas a redescendu et la vie a tranquillement retrouvé une partie de son cours normal. Ils ont même organisé une édition spéciale du Tour de France!

Le Tour a bien eu lieu, mais l’accalmie du virus n’a pas duré. Dans les dernières semaines, la France a plusieurs fois battu son record de nouveaux cas quotidiens qui datait du printemps. Avec ce nouveau sommet, on parle de près de 10 000 cas déclarés par jour, soit environ 147 cas par millions d’habitants. Avec un taux similaire, on parlerait d’une hausse d’environ 1 247 cas en une journée au Québec. Ça commencerait sérieusement à ressembler à une deuxième vague.

Nouveaux cas quotidiens en France

Source : gouvernement français

Mais on n’en est pas là chez nous. Pour l’instant, on parle plutôt d’environ 20 cas par millions d’habitants, soit le niveau de la France à la fin juillet. La seconde vague française a été précédée d’un relâchement et d’une flambée beaucoup plus importants que ce qu’on voit actuellement au Québec.

La comparaison a de quoi nous consoler, mais elle a aussi de quoi nous faire peur. La réalité, c’est qu’on n’est pas à l’abri de ça. Il n’y a rien qui empêche qu’on soit simplement un ou deux mois en retard sur la France. Si on ne fait pas attention, on va nous aussi retrouver un niveau de transmission très élevé. Et on pourrait nous aussi être forcés de refermer des secteurs de notre économie.

Mieux équipés qu’au printemps

Soyons pessimistes un instant, et imaginons que le Québec s’engage dans la même voie que la France. Imaginons qu’à la mi-novembre, on se retrouve avec un nombre de nouveaux cas quotidiens similaire à ce qu’on voyait au printemps. Est-ce que ça voudrait dire qu’on referme le Québec au complet?

La réponse est non. Au printemps, on comprenait beaucoup moins bien à quoi on avait à faire. On a dû agir avec précaution devant l’inconnu. Notre capacité de tester était beaucoup plus limitée. On ne savait pas avec précision qui était le plus vulnérable, et où la contagion était la plus risquée. Le plus prudent était donc de tout fermer pour réduire les risques au maximum.

Maintenant, on en sait un peu plus. On sait, par exemple, que c’est possible d’organiser nos garderies et nos écoles tout en réduisant au minimum les risques de contagion. On sait aussi que c’est possible de retourner au bureau, d’aller magasiner ou d’aller chez le coiffeur en toute sécurité, à condition que tout le monde suive certaines consignes.

Tout ça pour dire qu’on saura beaucoup mieux qui et quoi viser pour freiner davantage la contagion, si ça devient nécessaire. Notre capacité de tester est au rendez-vous. Ça va nous permettre d’identifier très rapidement les nouvelles éclosions, avant qu’elles se répandent. Ce ne sera donc pas nécessaire de tout fermer et de compromettre à nouveau les revenus de milliers de Québécois.

Évolution du nombre de tests au Québec

Source : INSPQ

La danse du virus

Vous avez déjà entendu parler de Tomas Pueyo? Si vous m’aviez demandé ça il y a quelques mois, comme la plupart des gens, je vous aurais dit que moi non plus.

Tomas Pueyo est un ingénieur franco-espagnol, relativement inconnu jusqu’au mois de mars dernier. Le 10 mars, il a publié un article sur la nécessité d’agir rapidement et avec force pour stopper une vague de contagion de la COVID-19. Soudainement, il est devenu très, très populaire. Son article a été consulté des dizaines de millions de fois par des citoyens, des chefs d’entreprise et des politiciens de partout dans le monde. Plusieurs y ont découvert la maintenant fameuse expression « aplatir la courbe ».

Moins de dix jours plus tard, il a publié un autre article qui a confirmé sa notoriété. Il y a comparé la première série d’actions contre le virus à un coup de marteau. Les pays qui ont fermé les frontières, les écoles et une bonne partie de l’économie ont frappé la contagion suffisamment fort pour aplatir la première vague.

Mais l’élément le plus intéressant de son article, c’était sur ce qui arrive après la première vague. Après le marteau, dit Pueyo, on va devoir apprendre à danser avec les prochaines vagues de contagion. On doit apprendre les bons mouvements pour stopper la propagation du virus avant qu’une vague ne prenne de l’ampleur, sans avoir besoin de ressortir le marteau.

Coronavirus cases

La métaphore utilisée par Pueyo est très utile pour mieux comprendre ce qu’on vit actuellement. Si on veut pouvoir contrôler la situation sanitaire sans compromettre notre économie, on doit apprendre les bons pas de danse pour mieux diriger notre bataille contre le virus. Si la contagion monte, on reconfine un peu à gauche, alors que si la contagion descend, on déconfine un peu à droite.

On doit être capable d’agir avec ce genre de précision chirurgicale pour étouffer la contagion dès qu’elle apparait, sans pour autant étouffer notre économie.

Des frappes chirurgicales contre le virus

Concrètement, au Québec, on a maintenant un système d’alertes régionales pour articuler cela. Ça fonctionne avec quatre paliers de couleurs : vert pour les régions où la contagion est sous contrôle, jaune là où ça se fragilise, orange là où ça s’aggrave plus sérieusement et rouge comme niveau d’alerte maximale.

Système d'alerte régionale et d'intervention graduelle à 4 paliers

Si un reconfinement est nécessaire, il se fera donc en fonction du niveau de contagion propre à une région particulière. Si rien ne va plus à Laval, par exemple, on pourrait y fermer certains types de commerce, sans pour autant toucher à ceux de Montréal et du reste Québec. De la même façon, ce n’est pas parce que l’Outaouais ne l’a pas facile que la Gaspésie sera dans le rouge.

Autrement dit, on ne refermera pas le Québec au complet, d’un seul coup, comme on a vu au printemps. Et même si on doit reconfiner certaines régions en particulier, on va d’abord viser les secteurs les plus problématiques. Ceux où on n’arrive pas à appliquer convenablement les consignes de santé publique. On pourrait, par exemple, fermer les bars sans fermer les écoles, comme on l’a vu en Colombie-Britannique.

À nous de danser

En suivant ce système d’alerte et en continuant de tester massivement, on devrait réussir à danser avec le virus et à le frapper de façon chirurgicale. On ne devrait donc pas avoir à refermer le Québec au grand complet.

Dans le pire des cas, certains secteurs dans certaines régions pourraient être reconfinés momentanément. Dans le meilleur des cas, la population va continuer à respecter les consignes de santé publique et on va continuer à avancer prudemment vers le déconfinement.

Le choix nous appartient.

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