Relancer quelle économie?
Publié le 19 août 2020
Une économie, c’est très rare que ça prend une pause. Ou du moins, c’est très rare que ça ralentit aussi brutalement que ce qu’on a vu dans les derniers mois. Tant mieux, parce que c’est désastreux quand ça arrive. Pour nos entreprises, pour nos familles, pour nos jeunes, c’est un choc qui va continuer de se faire sentir pendant des années.
Mais c’est aussi une occasion. Une rare occasion d’ajuster notre jeu entre deux périodes. De s’arrêter pour réfléchir au Québec qu’on veut laisser à nos enfants.
La mauvaise nouvelle, c’est que le choc a été dur. Très dur. La bonne nouvelle, c’est qu’on était en train de prendre les devants avant que le confinement arrive. Notre économie roulait à plein régime et cette position enviable ne s’est pas envolée avec la pandémie. Elle nous donne maintenant tout ce qu’il faut pour nous relever encore plus fort.
La question n’est donc pas de savoir si notre économie va repartir, mais plutôt quand, et surtout, comment. Il n’y a évidemment pas une seule bonne réponse à cette question, mais si on y pense bien, il y a une certaine vision du Québec qui se dessine. La vision d’un Québec plus prospère, plus scolarisé et plus vert.
À long terme, c’est l’éducation qui doit être notre grande priorité. À moyen terme, c’est l’augmentation des investissements privés dans des domaines d’avenir qui nous permettra de nous enrichir collectivement. Et à court terme, c’est l’accélération des projets d’infrastructure qui servira de bougie d’allumage pour relancer notre économie.
Un choc économique sans précédent
Dès la mi-mars, Angela Merkel en a surpris plusieurs en parlant de la pandémie comme du « plus grand défi depuis la Deuxième Guerre mondiale ». Venant de la chancelière allemande, disons que la déclaration avait un certain poids. Mais tout de même, à ce moment-là, il y en avait plusieurs pour y voir de l’enflure verbale.
Quelques mois plus tard, les chiffres lui donnent pourtant raison. Le nombre de décès s’approche déjà des plus importantes guerres des sept dernières décennies. Et le portrait n’est pas plus joyeux du côté économique.
Pour 2020, on prévoit ainsi une chute du produit intérieur brut (PIB) mondial de 4,9%, et de 8% pour les pays avancés seulement. À titre de comparaison, la crise économique de 2008 avait engendré une baisse de 1,7% du PIB mondial en 2009. Il faut remonter à la fin de la Seconde Guerre mondiale pour trouver un équivalent à ce qu’on vit actuellement.
Et même en retournant 150 ans en arrière, la pandémie de coronavirus continue de battre des records. Jamais dans le dernier siècle et demi n’aura-t-on vu autant de pays en récession simultanément.
Le Québec n’a pas été épargné par ce choc sans précédent, loin de là. La chute anticipée de notre PIB en 2020 est plus forte que la moyenne mondiale, à 6,5%. Pour l’ensemble du Canada, on prévoit une baisse de 6,1%. Pour les États-Unis, on parle de 8%.
Il faut dire que le Québec est l’un des endroits en Amérique du Nord, et même dans le monde, où les mesures de confinement ont été les plus fermes au début de la pandémie. Notre discipline collective a permis de sauver des milliers de vie, mais elle a aussi engendré des pertes d’emplois plus importantes qu’ailleurs. Ceci explique cela.
On part en position enviable
Mais la bonne nouvelle dans tout ça, donc, c’est que le Québec était dans une position enviable avant le confinement. Notre économie flirtait avec la position de tête pour trois indicateurs clés : la croissance économique, le taux de chômage et l’état des finances publiques.
Du côté de la croissance, en 2019, le Québec a surpassé nos voisins ontariens, tous les pays du G7, et même de l’ancien G8! Tout indique que notre économie sera en mesure de continuer sur cette belle lancée après le choc de 2020. Déjà, les prédictions du Québec pour 2021 dépassent celles du reste du Canada. Bien sûr, il demeure beaucoup d’incertitude sur l’évolution de la pandémie et le moment de la relance, mais le Québec a tout ce qu’il faut pour repartir en force.
Du côté du taux de chômage, les chiffres du Québec avaient de quoi impressionner depuis un an. On a carrément réécrit notre livre des records en la matière durant l’automne, et on s’est constamment maintenu sous la moyenne canadienne.
La pandémie a frappé plus fort chez nous qu’ailleurs au Canada, particulièrement chez les jeunes, mais on a retrouvé la position de tête en juillet. Un résultat qui a de quoi nous rassurer sur la résilience de notre économie et sur sa capacité à repartir sur les chapeaux de roue.
Du côté des finances publiques, le Québec est tout simplement le champion canadien. Lors de la dernière mise à jour des résultats financiers pour 2019-2020, le Québec était, et de loin, la province ou le territoire ayant déclaré le surplus le plus important. L’Ontario, l’Alberta, le Manitoba et la Saskatchewan, notamment, devaient pour leur part engranger des déficits.
Les effets de la pandémie continueront sans doute de chambouler ces prédictions et de se faire sentir encore longtemps. Pour 2020-2021, on prévoit déjà un déficit historique au Québec, quoique nettement inférieur à l’Ontario. Malgré cela, tout indique que nos finances sont celles qui auront le plus de facilité à absorber le choc et à s’en remettre.
On doit aussi revenir de l’arrière
Si les signaux économiques étaient au vert avant la pandémie, il ne faut pas oublier qu’on avait aussi un retard à rattraper. Depuis plusieurs décennies, l’économie québécoise traine de la patte face à notre voisin ontarien. L’écart est particulièrement criant du côté de la productivité.
Le rattrapage avait déjà commencé avec nos belles performances de la dernière année. On a maintenant tout ce qu’il faut pour que ça se poursuive. La relance économique est l’occasion parfaite de se donner un grand défi collectif avec le rattrapage économique. Pas parce que la richesse est une fin en soi, mais parce qu’elle va nous donner les moyens de nos ambitions. Les moyens de s’offrir de meilleurs services publics et de bâtir un Québec plus fort.
Un des moyens les plus efficaces, à court terme, pour augmenter notre productivité, c’est le virage industriel vers la robotisation. Si on veut rattraper l’Ontario, on va devoir pousser davantage de nos entreprises dans cette voie. Ça tombe bien, parce que le Québec est en train de cimenter son expertise mondiale en intelligence artificielle. Il n’y a qu’un pas entre le développement de cette expertise et son application à notre secteur industriel.
Mais le rattrapage économique de notre voisin ontarien ne sera pas l’affaire de quelques investissements, ni, d’ailleurs, de quelques années. C’est un projet qui s’étalera vraisemblablement sur des décennies. On doit donc agir à court terme tout en s’appuyant sur une vision à long terme. Et pour s’enrichir collectivement sur l’espace de plusieurs décennies, il n’y a pas de levier plus puissant que l’éducation.
Miser sur l’éducation
L’éducation, c’est d’abord un moyen pour nos enfants d’aller au bout de leur potentiel. C’est un moyen de les outiller pour la vie qui les attend, de nourrir leurs passions et de les pousser à se dépasser. C’est un moyen de leur transmettre notre culture et notre histoire.
Mais d’un point de vue collectif, c’est aussi un formidable moteur économique. Un peuple plus scolarisé est un peuple plus riche, dans tous les sens du terme. Et en termes de croissance économique, il n’y a pas de meilleurs investissements à long terme que l’éducation.
La logique est simple : en moyenne, une personne avec un plus grand degré de scolarité sera plus productive. Une personne avec un diplôme secondaire, par exemple, est généralement plus productive qu’une personne qui n’en a pas. Un Québec plus scolarisé devrait donc engendrer une économie plus productive.
D’ailleurs, parallèlement à notre retard de productivité face à l’Ontario, nous accusons aussi un retard en matière de réussite scolaire. Les jeunes ontariens sont plus nombreux à finir leur secondaire et, donc, moins nombreux à décrocher.
Pour renverser la vapeur et motiver nos jeunes à persévérer à l’école, il y a un geste très concret qu’on peut poser dès maintenant. C’est d’enfin bâtir les belles écoles qu’ils méritent. Ça fait beaucoup trop longtemps qu’on tolère des écoles en décrépitude et des locaux trop pleins. Comment peut-on demander à nos jeunes de persévérer quand on s’investit si peu dans leurs écoles? Ils méritent mieux que ça, et c’est à nous de leur offrir.
Il faut que la relance économique reste comme un point de bascule en éducation. Comme le moment où on a enfin accéléré le chantier d’une nouvelle génération d’école. Pour que dans 30, 40 ans, on se souvienne des années 2020 comme du tournant qui aura permis de combler notre retard économique en bâtissant un Québec plus scolarisé.
Stimuler l’économie verte
Pour réussir notre rattrapage économique, nous devons aussi agir sur un horizon un peu moins lointain, à moyen terme. Sur ce front, l’un des leviers les plus efficaces est l’augmentation des investissements privés. C’est un moyen de faire grimper notre productivité et de créer des emplois payants en quelques années, dans toutes les régions du Québec. Et si on canalise ces investissements dans la bonne direction, dans des domaines d’avenir, c’est à la fois un moyen de s’enrichir à moyen et long terme.
L’un de ces domaines d’avenir par excellence, c’est l’économie verte. Malgré la pandémie, les changements climatiques restent la principale menace à l’économie mondiale à long terme. L’électrification de l’économie et le développement de technologies vertes seront donc cruciaux dans la décennie à venir.
De ce côté-là, le Québec a l’avantage de partir en position de tête. Il n’y a aucune autre province ou territoire au Canada qui produit moins de GES par habitant. Notre hydroélectricité fait de nous un des meilleurs endroits au monde pour investir dans l’économie verte. C’est une de nos grandes forces sur laquelle il faut miser.
En plus de notre énergie propre, on a la chance de disposer d’immenses réserves de lithium dans le Nord québécois, l’un des ingrédients essentiels à la production de batteries. Le Québec est aussi l’un des principaux pôles mondiaux en intelligence artificielle, un ingrédient devenu essentiel dans la production de voitures intelligentes.
En additionnant tout ça, ce n’est pas difficile d’imaginer que le Québec pourrait devenir une plaque tournante du transport électrique de demain. Avec un peu d’imagination, on peut même s’imaginer recharger une batterie québécoise dans notre voiture intelligente, nos camions ou nos autobus avec l’énergie provenant de nos barrages hydroélectriques.
Ça peut paraitre audacieux, et ce l’est effectivement. Mais le Québec a plus que jamais besoin d’audace. C’est l’ingrédient qui va continuer de pousser notre nation à se relever plus fort des épreuves qu’on traverse.
Les infrastructures comme bougie d’allumage
À long terme, donc, c’est sur l’éducation qu’il faut miser. À moyen terme, ce sont les investissements privés dans des domaines d’avenir comme l’économie verte qui vont nous enrichir. Mais à court terme, on a aussi besoin d’une bougie d’allumage. Comme tout grand projet, la relance économique a besoin d’une étincelle.
S’il y a bien une recette qui a fait ses preuves par le passé pour repartir une économie rapidement, ce sont les investissements publics en infrastructure. D’abord parce que la construction a un effet immédiat sur l’emploi et l’activité économique. Mais aussi parce que le retour sur investissement est énorme à long terme.
C’est l’occasion de bâtir des belles écoles qui vont profiter à nos enfants pendant des décennies. Des maisons des aînés qui vont nous permettre de mieux prendre soin de nos personnes âgées. Des tramways et des réseaux de transport électriques qui vont nous aider à réduire nos émissions de GES.
Le Québec n’a pas traversé d’aussi grande tempête depuis des décennies. La relance économique est l’occasion d’en ressortir plus fort. C’est l’occasion de relever le grand défi collectif du rattrapage économique. Et surtout, c’est l’occasion de bâtir un Québec qui nous fait rêver. Un Québec plus scolarisé, plus vert et plus prospère.
Un Québec plus fort et plus fier.