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Regardez-vous la soirée électorale américaine?


 Publié le 30 octobre 2020
 
Regardez-vous la soirée électorale américaine?

Il n’y a pas que les Américains qui joueront gros mardi soir prochain. Les Québécois et les Canadiens aussi, tout comme le reste du monde.

Peu importe le résultat, les élections présidentielles américaines de cette année risquent de marquer un tournant important sur la scène mondiale. Parce que les États-Unis assument un rôle de leader à l’international depuis près d’un siècle. Et parce que la vision des deux candidats à ce sujet est radicalement différente.

Une victoire de Biden voudrait essentiellement dire le retour de l’Amérique que l’on connaissait sous la présidence Obama. Une Amérique qui ne rechigne pas à intervenir dans des conflits outre-mer et qui mène le bal de la mondialisation.

Une victoire de Trump voudrait probablement dire – quoique toute prédiction en ce qui le concerne demeure hasardeuse – la suite du repli américain face aux grandes organisations internationales comme l’OMC, l’OMS et l’OTAN.

Ces deux visions produiraient des effets très concrets au Québec. Voici cinq enjeux clés de ce côté-ci de la frontière :

  1. L’ambition du Québec d’être la batterie verte du nord-est de l’Amérique
  2. Le contrôle de la pandémie et l’arrivée d’un vaccin
  3. Les tarifs protectionnistes
  4. Les mesures protectionnistes du Buy American
  5. Le leadership américain sur la scène mondiale

À qui la maison blanche?

Mais d’abord, la question qui est sur toute les lèvres : qui gagnera la présidence?

Il faut préciser qu’il est possible qu’on ne connaisse pas le gagnant avec certitude le soir des élections. La forte proportion de votes par la poste rendra le décompte plus compliqué et plus long. Si on est devant un résultat serré, il se peut qu’on ne puisse pas savoir qui logera à la maison blanche dans les quatre années à venir.

Ceci dit, pour le moment, ni les experts, ni les sondages ne suggèrent que la course sera particulièrement serrée. Au niveau national, Biden maintient son avance d’une dizaine de points sur Trump depuis plusieurs semaines. Et quand on scrute les fameux « Swing State », les états clés qui feront pencher la balance, Biden est là aussi largement favori.

Le très réputé média d’analyse de sondages Five Thirty Eight – comme le nombre de votes du collège électoral, 538, qui détermineront le candidat victorieux – donne 89% de chances de victoire pour Biden. Le scénario le plus probable lui accorde les deux tiers des 538 votes du collège électoral.

Concrètement, ça veut dire que Trump devrait faire mentir les sondages dans huit états où il traîne de la patte pour l’emporter. Ce n’est pas impossible. On lui donne 11% de chances d’y arriver, pas zéro. À titre de comparaison, ses chances en 2016 tournaient autour de 30%.

C’est possible que Trump fasse mentir les pronostics une fois de plus. Après tout, la marge de manœuvre de Biden dans les états clés comme la Floride ou la Caroline du Nord n’est que d’environ 2%. Pour la Pennsylvanie, là où tout pourrait se jouer, on parle d’une avance d’environ 5% pour le démocrate. C’est au-delà de la marge d’erreur des sondages, mais un engouement plus fort que prévu des républicains pour sortir voter pourrait tout changer.

Bref, à quelques jours du vote, Biden semble être en avance, mais rien n’est joué.

La batterie verte québécoise

Revenons au Québec.

La présidence Trump a changé beaucoup de chose ici. Elle a compliqué certains éléments de nos relations avec les États-Unis, mais elle ne nous a pas empêchés d’avancer sur plusieurs fronts. Notamment celui de la vente d’hydroélectricité.

Il y a quelques semaines, New York a reconnu l’hydroélectricité québécoise comme une énergie propre. Ça ouvre la porte à d’immenses contrats d’exportation vers la Grosse Pomme, qui vise à être alimentée uniquement par de l’énergie renouvelable d’ici 2040. Ça fait suite à d’autres importantes avancées dans les dernières années, notamment un contrat de 10 milliards de dollars avec le Massachusetts pour l’achat de notre hydroélectricité.

Le raisonnement est simple. Le Québec dispose d’importants surplus d’hydroélectricité; une énergie propre, fiable et à faible coût. Précisément ce que cherchent plusieurs de nos voisins en Nouvelle-Angleterre pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre. En leur vendant nos surplus, le Québec s’enrichit et la Nouvelle-Angleterre se verdit. C’est plus de richesse et moins de GES des deux côtés de la frontière. C’est gagnant-gagnant.

L’enjeu se joue surtout à l’échelle des gouverneurs d’État, mais la présidence a aussi un rôle important. Un président plus sensible à l’enjeu des changements climatiques exercerait un leadership auprès des États et ferait grandir l’appétit de nos voisins pour notre énergie propre.

C’est le cas de Biden, qui promet une Amérique carboneutre et entièrement nourrie à l’énergie propre d’ici 2050, avec de premiers objectifs dès 2025. Pour y arriver, les États-Unis auront besoin de beaucoup plus d’énergie verte. C’est exactement ce que le Québec peur leur offrir. Et en imposant une forme ou une autre de taxe sur le carbone, le gouvernement américain ferait en sorte d’augmenter le prix des énergies fossiles, ce qui rendrait l’hydroélectricité québécoise encore plus compétitive.

La pandémie et son vaccin

Avec la fermeture des frontières, on a parfois l’impression que chaque pays, chaque province et chaque état gère la pandémie à sa manière, sans trop influencer ses voisins. C’est en partie vrai, mais nous dépendons encore beaucoup les uns des autres.

Le Québec a toutes les raisons de souhaiter une gestion efficace de la pandémie au sud de la frontière. D’abord parce qu’on souhaite du bien à nos alliés. Ensuite parce qu’une pandémie contrôlée veut dire une relance économique plus rapide, et qu’une économie américaine en meilleure santé profitera aux Québécois.

Biden et Trump ont chacun leur vision pour combattre le virus. Trump favorise une plus grande réouverture malgré une forte contagion, alors que l’approche de Biden se rapproche un peu plus de celle qu’on connait au Canada et au Québec. Les Américains devront trancher entre ces deux visions opposées.

Au-delà des mesures pour prévenir la propagation du virus, il y a aussi la question du vaccin. Certaines des plus grandes compagnies pharmaceutiques se trouvent aux États-Unis et il est possible que le premier vaccin efficace sorte de là.

Que Biden ou Trump soient élus n’accélérera probablement pas le développement du vaccin, qui est déjà bien en marche. Par contre, ça pourrait avoir un impact sur la rapidité de sa distribution. Trump a montré qu’il n’hésite pas à bloquer l’approvisionnement à ses alliés s’il le juge nécessaire. En avril, il ne s’était pas gêné pour interdire la vente de masques N95 au Canada. Personne ne sait si Biden aurait agi de la même façon, mais on sait qu’il prône une plus grande coopération avec l’OMS et ses alliés à l’international sur la gestion de la pandémie. On peut croire que la distribution d’un vaccin américain sous une présidence Biden obéirait à ce principe.

Les tarifs protectionnistes

« Les Américains sont nos meilleurs amis, que nous le voulions ou non ». C’est un dénommé Robert Thompson, alors chef du Parti Crédit social à Ottawa, qui a prononcé cette célèbre phrase en 1960. Encore aujourd’hui, on pourrait difficilement mieux décrire notre relation commerciale avec les États-Unis.

Une bonne partie de notre économie dépend de celle du géant américain. Plus des deux tiers de nos exportations y sont destinés. Nos deux économies sont profondément intégrées. Ça représente des milliers d’emplois des deux côtés de la frontière. Si les États-Unis décident de s’engager sur la route du protectionnisme, le Québec en subira forcément les conséquences.

Les deux candidats penchent vers cette option, dans une certaine mesure. Ce serait faux de croire que Biden s’oppose complètement au protectionnisme de Trump, même si ses méthodes sont différentes. Traditionnellement, ce sont les démocrates qui ont tendance à défendre le protectionnisme, alors que les républicains sont plus souvent partisans du libre-échange.

La manifestation classique du protectionnisme, c’est l’imposition de tarifs sur les produits étrangers. Nos producteurs d’acier et d’aluminium en ont payé le prix, mais la menace contre eux semble pour l’instant être levée.

La mauvaise nouvelle, c’est qu’il y a encore plusieurs menaces de mesures protectionnistes qui planent contre certains secteurs de notre économie. Il faut s’attendre à continuer de les combattre, peu importe le futur président.

La bonne nouvelle, c’est que même dans ce climat d’incertitude, le Québec a réussi à augmenter ses exportations vers les États-Unis dans les deux dernières années, alors qu’elles stagnaient sous le gouvernement précédent.

Tout indique que nous avons les moyens de poursuivre sur cette lancée. Mais il va aussi falloir que le Québec diversifie ses marchés d’exportation, notamment vers l’Europe. Ce sera un moyen de réduire notre dépendance face à nos voisins tout en continuant de profiter de notre relation avec eux, peu importe le président.

Le Buy American

L’autre fer-de-lance du protectionnisme américain, c’est le Buy American. C’est une série de mesures pour favoriser la fabrication en sol américain. A priori, on peut difficilement en vouloir à nos voisins. Ici aussi, on voudrait miser de plus en plus sur le Fabriqué au Québec.

Sauf que le Buy American va beaucoup plus loin que ce qu’on voit chez nous. Concrètement, ça empêche de nombreuses entreprises québécoises de participer à des appels d’offres américains alors qu’elles seraient compétitives, notamment en matière de transport collectif.

De ce côté-là aussi, Biden est loin d’apparaitre comme le libre-échangiste dans la course. Une bonne partie de son plan de relance économique repose sur des mesures additionnelles pour renforcer le Buy American. Trump, quant à lui, continuera sans doute de promouvoir la production en sol américain.

Peu importe l’issue du vote dans quelques jours, le Québec devra donc vraisemblablement continuer de combattre cette forme de protectionnisme. Nous devrons convaincre les Américains de nous traiter comme les alliés que nous sommes plutôt que comme la Chine, qui elle peut poser une menace. C’est le cas, par exemple, pour l’approvisionnement en minéraux stratégiques, où le Québec peut devenir un fournisseur fiable.

Le leadership américain

L’énergie propre, l’accès à un vaccin, les tarifs et le Buy American sont tous des enjeux de l’élection présidentielle qui produiront des effets très concrets pour les Québécois. Mais l’influence d’un président va bien au-delà de ça.

Sur la scène internationale, le président américain a continuellement joué un rôle de leader durant le dernier siècle. Que ce soit en économie, en santé ou en sécurité, les États-Unis exercent une influence énorme partout dans le monde et ça continuera certainement d’être le cas, peu importe le candidat gagnant. Sauf que Biden et Trump ont une vision bien différente sur ces trois thèmes et ça se fera sentir au sein des grands forums internationaux comme l’ONU, l’OMC, l’OMS ou l’OTAN.

Le leadership américain s’exerce aussi dans la résolution de grands enjeux qui touchent toute la planète. Dans le cas de la pandémie, celle-ci ou la prochaine, un président plus impliqué sur la scène internationale aiderait certainement à mieux coordonner nos efforts. Dans le cas des changements climatiques, un président plus engagé pourrait stimuler l’innovation en matière de technologies vertes, réduire les émissions de GES américaines et nous aider à relever ce grand défi.

Les États-Unis resteront ce qu’ils sont, peu importe leur président. Une grande puissance mondiale, mais aussi un peuple fait de fractures et de contradictions. Leur chef d’État devrait toutefois les aider à se rassembler malgré ces divisions pour exercer un leadership positif. À eux de choisir qui correspond le mieux à cela.

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