La deuxième vague mondiale est-elle commencée?
Publié le 18 septembre 2020
On a fait grand cas de la hausse de nouveaux cas de COVID-19 au Québec dans les dernières semaines, avec raison. Ça n’en prendrait pas beaucoup pour que la courbe reprenne un rythme exponentiel. Et une fois que c’est parti, c’est beaucoup plus difficile à arrêter.
Il suffit de jeter un œil à ce qui se passe ailleurs dans le monde pour s’en convaincre. Bien sûr, il y a des nuances à faire. Chaque pays a ses particularités. Chaque pays gère la pandémie avec une efficacité variable.
Mais remettons-nous dans nos souliers – ou plutôt, dans nos bottes – de début mars. Ce qui nous a vraiment mis la puce à l’oreille à ce moment-là, ce qui nous a poussés à réagir, c’est ce qui se passait en Italie. On voyait des images d’hôpitaux qui débordaient. Des histoires de confinement à faire peur. Des villes désertées. Tout ça dans un pays similaire au nôtre, avec un système de santé similaire au nôtre à bien des égards.
Il y a un parallèle à faire avec la situation actuelle. Plusieurs pays européens semblent déjà se trouver dans la pente ascendante d’une deuxième vague. Si on ne réagit pas maintenant pour freiner la contagion, on risque de les suivre.
Les épicentres de la pandémie
Beaucoup de choses ont changé depuis que nos bottes ont goûté à la gadoue de fin d’hiver. On a traversé une première vague, un confinement et un déconfinement. Nous avons appris à porter le masque et à calculer mentalement deux mètres de distance. On a appris à vivre avec le virus dans une « nouvelle normalité », pour reprendre l’expression consacrée.
Les épicentres de la pandémie ont eux aussi évolué. Le virus circule maintenant partout dans le monde, comme le montre cette carte de l’Organisation mondiale de la Santé. Les pays plus foncés sont ceux qui ont connu la plus forte hausse de nouveaux cas dans les sept derniers jours.
Source : Organisation mondiale de la Santé
Plutôt que la Chine, l’Iran et l’Italie, on retrouve maintenant les États-Unis, l’Inde et le Brésil au sommet du triste classement mondial. Le cas de l’Inde est sans doute le plus préoccupant des trois. Le pays semblait avoir été épargné par le virus au printemps, mais depuis juin, la contagion s’est constamment accélérée. Dans leur cas, on parle donc d’une première vague, et c’en est toute une. Au cours des derniers jours, on rapportait près de 100 000 nouveaux cas par jour.
Source : New York Times
Dans le cas du Brésil et des États-Unis, la première vague ne s’est jamais vraiment estompée. Le Brésil a été épargné par le virus pendant quelques mois de plus que l’Europe et l’Amérique du Nord, mais c’est parti en force en mai. Même si la situation semble se stabiliser depuis le mois d’août, le nombre de nouveaux cas quotidiens demeure très haut, à environ 40 000 par jour.
Aux États-Unis, on semblait en voie d’aplatir la courbe au début de l’été, puis c’est reparti de plus belle. Nos voisins du Sud demeurent à ce jour le pays avec le plus de cas déclarés. Et avec des hausses quotidiennes tournant autour de 40 000 nouveaux cas, ça ne devrait pas changer de sitôt.
Source : New York Times
En voulez-vous des deuxièmes vagues?
À l’exception de ce « big three », la plupart des pays qui ne l’ont pas eu facile au printemps ont réussi à vaincre leur première vague. En Europe, le nombre de nouveaux cas quotidiens est redescendu au plancher cet été. Le déconfinement a suivi et la population a pu retrouver une partie de sa vie normale.
Sauf que ça n’a pas duré. Le cas le plus frappant est celui de la France. En l’espace d’à peine deux mois, l’Hexagone est passé du plancher au plafond. Les records du printemps ont été pulvérisés et on ne voit toujours pas la fin de l’ascension. Depuis quelques jours, on parle d’environ 10 000 nouveaux cas quotidiens. De quoi inquiéter même les plus sceptiques.
En Espagne, la situation n’est pas plus réjouissante. On assiste à une hausse constante de la contagion depuis deux mois. Avec plus de 10 000 nouveaux cas quotidiens, on est retourné aux plus hauts niveaux du printemps.
Du côté de l’Allemagne et de l’Italie, les choses sont un peu moins alarmantes. Mais quand même, on remarque clairement la tendance à la hausse. Une tendance qui pourrait rapidement se transformer en deuxième vague.
Source : New York Times
En plus de ces quatre pays, on pourrait nommer le Royaume-Uni, la Belgique, le Portugal et la Norvège. Là aussi, la courbe en hausse des dernières semaines se rapproche de plus en plus de la situation au printemps.
La courbe canadienne ne suggère pas aussi clairement le début d’une deuxième vague, mais on remarque quand même une tendance à la hausse. On se rapproche plus de l’Allemagne que de la France, disons. Sauf qu’en regardant les courbes françaises et espagnoles, on remarque que la différence ne tient qu’en un mois. Bref, si on ne resserre pas notre discipline collective, on risque nous aussi de battre nos records plus vite qu’on le croit.
Source : New York Times
Plus de cas, donc plus de morts?
Les images marquantes de la première vague du printemps, ce sont les hôpitaux submergés. Les morgues qui débordent. Les fausses communes qui se creusent.
Est-ce que ce scénario catastrophe est en train de se répéter? Pas pour le moment, heureusement. D’abord parce que nos systèmes de santé sont mieux préparés. Mais aussi, et surtout, parce que la contagion affecte moins les personnes les plus vulnérables. Il y a plus de jeunes qui l’attrapent, et les jeunes sont généralement moins susceptibles de mourir de la COVID-19.
En France, par exemple, la deuxième vague de cas ne se traduit pas, pour l’instant, par une deuxième vague de décès.
Source : gouvernement français
Est-ce qu’on devrait arrêter de s’inquiéter pour autant?
Non. Pour trois raisons.
La première, c’est que ça pourrait changer. Les personnes contaminées pourraient transmettre le virus aux plus vulnérables. De plus en plus de jeunes pourraient contaminer leurs grands-parents, par exemple. Plus le nombre de cas augmente, plus il y a de chance que ça arrive. Et si ça arrive, on verra malheureusement le nombre de morts repartir en flèche.
La seconde raison, c’est qu’un nombre trop élevé de cas, même chez les moins vulnérables, va finir par faire augmenter le nombre d’hospitalisations. Si ça arrive, on risque de créer des dommages collatéraux chez les personnes qui ont besoin de chirurgies ou de traitements pour des maladies graves, comme le cancer. On risque aussi de manquer d’équipement pour traiter les cas les plus graves de coronavirus, et donc de voir le nombre de morts augmenter.
Reprenons l’exemple de la France. Pour l’instant, on n’assiste pas à une véritable deuxième vague d’hospitalisations, malgré une tendance à la hausse. Sauf que si le nombre de cas continue d’augmenter, ça risque de changer.
Source : gouvernement français
La troisième raison pour s’inquiéter d’une deuxième vague de nouveaux cas, c’est que les conséquences de virus semblent largement dépasser le risque de décès. On n’en sait encore très peu sur les séquelles à long terme que peut laisser la COVID-19, mais de ce qu’on en sait, ça n’a rien de très joyeux.
Veut-on vraiment se retrouver avec des milliers de personnes aux prises avec des problèmes respiratoires et cardiaques à long terme, sous prétexte qu’ils n’en mourront probablement pas? Le souhaiteriez-vous à votre famille, à vos amis? Poser la question, c’est y répondre.
Reconfinera, reconfinera pas?
Si la hausse de cas a de quoi nous inquiéter, elle devrait donc nous pousser à agir, comme on l’a fait en mars. Et c’est là que ça se complique.
Il y a probablement autant de réactions à une possible deuxième vague qu’il y a de pays. Personne ne veut revivre le confinement complet du printemps. Ce serait catastrophique pour nos économies. Mais d’un autre côté, c’est ce qui a le mieux fonctionné pour aplatir la première vague. Le défi est donc de trouver un équilibre.
Chez nos cousins français, pour le moment, on semble s’en tenir au statu quo du déconfinement, malgré la forte hausse de cas. En tout cas, l’option d’un confinement généralisé est écartée. On parle plutôt de restrictions régionales, comme la réduction des rassemblements dans certaines villes. Tant que le nombre d’hospitalisations ne remonte pas au point de compromettre le système de santé, ça devrait en rester ainsi.
Du côté plus restrictif, il y a l’Espagne. Les autorités ont déjà évoqué un reconfinement des zones les plus chaudes de Madrid. On sent là aussi une volonté de rester très prudents pour éviter un confinement plus généralisé.
Et du côté des plus sévères, il y a Israël. Le gouvernement y a annoncé un nouveau confinement d’au moins trois semaines à compter du 18 septembre. Il faut dire que le pays enregistrait une hausse soutenue de nouveaux cas depuis plusieurs semaines. À l’approche de fêtes religieuses, les autorités n’ont pas pris de chance, au risque de faire mal à l’économie et de couper le revenu de nombreuses familles.
Vers quel pays se dirige-t-on?
Quand on regarde la courbe de Québec, on voit tout de suite qu’on n’en est pas encore au niveau des pays européens les plus touchés. Ça a de quoi rassurer, mais ça a aussi de quoi inquiéter sur ce qui s’en vient. On se disait à peu près la même chose avant le confinement du printemps, après tout.
Source : INSPQ
On devrait retenir deux choses de l’évolution de la pandémie dans les dernières semaines. D’abord, une deuxième vague est bien commencée en Occident et on n’en est pas à l’abri. Au contraire, les pays occidentaux qui ont surmonté leur première vague et qui se sont déconfinés pendant l’été constatent presque tous une intensification de la contagion. Une intensification qui se transforme, dans plusieurs cas, en deuxième vague. Rien n’empêche que ça arrive ici aussi.
L’autre chose à retenir, c’est que le Québec a déjà commencé à réagir, avant que la situation soit hors de contrôle. Le nombre de tests atteint des niveaux élevés, des milliers de préposés aux soins ont été formés en un temps record cet été et les équipements de protection médicale sont disponibles en grande quantité.
Les citoyens ont adopté des pratiques barrières (masques, distanciation, lavage de mains) en grand nombre, les entreprises suivent des protocoles, les écoles ont formé des classes-bulles et des milliers d’entre nous sont en télé-travail.
Le plus grand risque à l’heure actuelle, c’est que notre insouciance de l’été ne se transforme pas rapidement en vigilance. Quand on regarde les pays qui sont déjà aux prises avec plus de cas qu’au printemps, on remarque qu’ils semblaient être là où on est il y a environ un mois. Si les citoyens de ces pays avaient transformé l’insouciance en vigilance, ils auraient sans doute pu éviter ou du moins amoindrir la vague actuelle. Et ils auraient probablement évité de devoir s’imposer un nouveau confinement, aussi partiel soit-il.
C’est donc à nous de jouer. On doit réagir maintenant, en augmentant notre vigilance, en diminuant nos contacts et en évitant les rassemblements, pour éviter ça.
Chacun d’entre nous.