Pandémie de la COVID-19 : Peut-on comparer le Québec aux autres?
Publié le 7 juin 2020
Il y a une réponse simple à cette question : oui. Oui, on peut comparer le bilan du Québec en matière de décès de la COVID-19, mais en utilisant les bonnes bases de comparaison.
Personne ne va nier que le Québec et en particulier la région de Montréal, soit l’endroit le plus durement frappé au Canada par la pandémie de la COVID-19. Les milliers de décès survenus dans les CHSLD nous le rappellent tristement. Mais pour prétendre que le Québec a un des pires bilans de la planète en matière de décès liés au coronavirus, il faut une bonne dose de mauvaise foi.
Cette façon de noircir le bilan du Québec est absurde à sa face même quand on a vu les images des hôpitaux débordés en Alsace, à Paris et les morts qui s’empilaient dans le nord de l’Italie ou à Madrid. Quand on a vu les camions frigorifiés alignés à New York pour recevoir les dépouilles qui sortaient par dizaines des hôpitaux. Quand on a vu des systèmes si débordés que les médecins devaient choisir s’ils allaient sauver la vie de telle personne ou de telle autre. Malgré le nombre important de décès en CHSLD, le Québec n’a jamais vécu de tels débordements.
En fait, ce sont les bases de comparaison boiteuses qui permettent de noircir ainsi la réalité. Examinons-les une à une.
- Il faut utiliser le bon indicateur – la surmortalité
- On doit comparer le Québec à des États comparables
- Le Québec a un meilleur bilan que ses voisins
- La pandémie n’a pas frappée les régions géographiques avec la même force
- La région de Montréal et le Québec sans la CMM
Tous les morts ne sont pas comptés…
Les commentateurs utilisent des données souvent très partielles. C’est que chaque État a sa façon de qualifier la cause d’un décès. Certains ne comptent que les gens ayant été testés, d’autres seulement les décès dans les hôpitaux, excluant les décès survenus en CHSLD.
Selon les spécialistes, la seule méthode valable d’évaluer le nombre réel de décès liés à la pandémie, c’est d’examiner la surmortalité. Il s’agit de comparer le nombre de décès depuis le début de la pandémie à la moyenne des années passées pour la même période.
De grands médias réputés comme le New York Times, le Financial Times et The Economist ont consacré des dossiers à cette question des « excess deaths ». Des scandales ont éclaté dans plusieurs pays alors qu’on accusait les autorités de cacher des décès liés à la pandémie. Au Royaume-Uni, par exemple, il y avait une surmortalité de 55 000 décès au 8 mai. Pourtant, les autorités avaient déclaré 38 000 décès liés à la COVID-19. Il y a donc 17 000 « décès manquants ».
Comme on peut le voir dans ce tableau du New York Times, le 9 mai au New Jersey il y avait 5 500 décès de plus que le nombre de décès officiellement rapportés. C’est énorme! En Illinois et au Michigan, il y en avait 1 500.
Si on veut comparer de façon rigoureuse le bilan des décès d’un endroit à l’autre, que ce soit une ville, une région ou un pays, il faut le faire sur les mêmes bases, en utilisant les statistiques de surmortalité des endroits où elles sont disponibles. C’est ce que préconisent les épidémiologistes.
Procédant ainsi, le bilan comparé du Québec est beaucoup moins sombre.
Pas de décès dus à la COVID-19 cachés au Québec
Cette situation n’est pas unique aux États américains ou au Royaume-Uni. Selon les chiffres recueillis par les grands médias internationaux, le nombre de décès rapporté par les autorités est largement sous-estimé partout, sauf à quelques endroits, dont la Belgique et…le Québec!
Malheureusement, tous les États ne dévoilent pas leurs données de surmortalité. Nous n’avons aucune donnée pour l’Ontario, par exemple. Au Québec, l’Institut de la statistique a rendu publiques les données de surmortalité jusqu’au 25 avril. Résultat : le Québec a déclaré plus de décès liés au coronavirus qu’il y a eu de surmortalité. Contrairement à la majorité des endroits dans le monde, il n’y a pas de décès cachés au Québec.
Comparer le Québec à des États comparables
Comparer le Québec à un pays dans le cas de la pandémie de la COVID-19, ça comporte des limites importantes. Quand on compare le Québec à un pays comme la France, par exemple, on dilue le bilan des zones réellement touchées par la pandémie.
Pour effectuer une analyse plus juste, il faudrait comparer le Québec, qui est la province la plus touchée au Canada à une région française comme celle du Grand-Est, une des plus touchées en France. Et si nous voulons comparer le Québec à l’Italie, il nous faudrait le faire avec une province italienne frappée durement comme la Lombardie. Pour l’Espagne, on devrait regarder du côté d’une province comme celle de Madrid.
Ça donne bien sûr une image beaucoup moins sombre du bilan du Québec.
Le bilan du Québec est bien meilleur que celui de ses voisins de la zone du nord-est
Comparer le bilan du Québec à celui des États-Unis est tout aussi douteux. Ce pays est très vaste, avec des zones urbaines densément peuplées et d’autres régions essentiellement rurales, avec une faible densité de population.
Si le Québec est constitué de zones très peu peuplées, il faut considérer qu’avec 4,1 millions d’habitants, la grande région de Montréal compte pour près de la moitié de sa population. En outre, comme on le verra plus loin, toute la zone Pacifique allant de la Colombie-Britannique jusqu’à Los Angeles a été relativement épargnée.
C’est avec les États américains de la même zone géographique comme New York, le Massachusetts, le New Jersey ou le Connecticut qu’on devrait se comparer. Ces États voisins ont comme le Québec des zones urbaines densément peuplées et des régions moins densément peuplées. Et ce qu’on observe, c’est que le virus de la COVID-19 a fait beaucoup plus de dégâts dans ces États voisins.
En fait, dans le corridor du nord-est avec des zones urbaines importantes comme Montréal, Boston, New York et Washington, c’est le Québec qui s’en est le mieux tiré. Et de loin.
Les régions géographiques n’ont pas été frappées avec la même force
Au Canada, il est tentant de comparer les provinces entre elles et de conclure que l’une a fait ce qu’il fallait et l’autre a échoué. Et pourtant, les grandes régions géographiques en Amérique du Nord n’ont pas du tout été frappées avec la même force. Les États du nord-est avec le corridor des grandes zones urbaines de Montréal, Boston, New York et Washington ont été frappés de plein fouet. À l’autre bout du continent, les États de la côte Pacifique avec les grandes zones urbaines de Vancouver-Seattle, Portland, San Francisco et Los Angeles, ont été frappés beaucoup moins fort par la pandémie.
Au 31 mai, la côte Pacifique avait un taux de 101 décès par million, alors que le nord-est avait un taux presque 10 fois plus élevé à 938 décès par million. Qu’est-ce qui explique une disparité d’une telle ampleur?
On ne peut que faire des hypothèses à ce stade. L’une de celles-ci pointe vers la provenance de la contagion. Dans les États de la côte Pacifique, le virus provenait d’Asie, où la pandémie a été contenue rapidement. Tandis que pour la zone nord-est, le virus provenait d’Europe, où la pandémie n’a pas été contenue. Pour le Québec, on sait que la semaine de relâche et l’ouverture des frontières ont joué un rôle majeur.
Ces données démontrent deux choses :
- Qu’il est impossible que les États de la côte Pacifique aient tous été très bons pour contrôler le virus, tandis que les États du nord-est auraient tous été très mauvais ;
- Que parmi les États du nord-est, c’est le Québec qui a le bilan le moins sombre.
La région de Montréal et le reste du Québec
Quand on parle du bilan du Québec, il convient d’examiner la réalité vécue dans la région de Montréal et dans celle du reste du territoire.
L’endroit où la pandémie a frappé le plus fort, c’est certainement dans la grande région de Montréal, avec 1038 décès par million d’habitants au 31 mai. Tandis que tout le reste du Québec montre un bilan beaucoup moins sombre de 93 décès par million d’habitants.
On peut voir dans le tableau suivant que si la pandémie a frappé durement région de Montréal, ç’a été bien pire pour une ville comme New York. Tandis que les régions métropolitaines de Detroit et de Boston ont été frappées de façon comparable à celle de Montréal.
Ce que ces chiffres démontrent, c’est qu’il est difficile de comparer les grandes agglomérations urbaines et les zones moins densément peuplées. Avec cette pandémie, il y a plus de ressemblances entre les régions de Boston et de Montréal qu’entre cette dernière et les autres régions du Québec.
Conclusion : le bilan du Québec ne figure pas parmi les pires de la planète
Il est facile de prétendre que le Québec aurait un des pires bilans de la planète en matière de décès. Il suffit de choisir les comparaisons qui vont le faire mal paraître.
Mais lorsque l’on compare le Québec aux provinces des pays les plus touchés d’Europe, on s’aperçoit rapidement que notre bilan est beaucoup moins sombre. Lorsqu’on se mesure avec les États de la même zone géographique du nord-est, on s’aperçoit là encore que c’est le bilan du Québec qui est le moins lourd en décès. Et si pour analyser le vrai portrait des décès on utilise la méthode de la surmortalité, celle qui est préconisée par les épidémiologistes, on découvre que le Québec figure parmi les rares endroits au monde où il n’y a aucun décès COVID manquant. Finalement, si la pandémie a touché durement la région de Montréal, il en va tout autrement du reste du Québec, qui montre un bilan enviable.
La pandémie de la COVID-19 a provoqué beaucoup de décès au Québec.
Personne ne doit nier les dommages causés dans de nombreux CHSLD. Mais noircir le bilan du Québec jusqu’à en faire un des pires de la planète est insultant pour la population québécoise. Comme l’ont démontré les experts de la santé publique, en se confinant massivement, les Québécois ont sauvé des milliers de vies. Dans une projection, ils ont montré que sans leurs efforts de confinement, il y aurait eu jusqu’à 10 fois plus de décès par jour en avril et mai.
Il faudrait peut-être leur dire bravo!